Raymond RIFFLARD, né à Paris en 1896 et mort à Sagone en 1981, a exécuté de nombreuses œuvres comme des décorations d'églises ou la fresque du général de Gaulle à Orto. Son tableau montrant la ruelle derrière la chapelle Saint Roch de Poggiolo (voir l'article solution-de-la-devinette-du-mois) a été réalisé par un peintre qui connaissait particulièrement bien le village pour une raison qui est dévoilée par le diacre François-Aimé ARRIGHI dans "Vico-Sagone, Regards sur une terre et des hommes".
Décrivant les peintures murales de l'église paroissial de Vico, l'auteur écrit à la page 247: "Raymond RIFFLARD (1896-1981), artiste peintre marié à Barberine PAPADACCI de Poggiolo...".
Mais bien sûr! S'il avait épousé une Poggiolaise, RIFFLARD devait bien connaître Poggiolo!
Seulement, qui était cette Barberine PAPADACCI?
En réalité, elle se prénommait Barbe Marie, ce que prouve le registre d'état-civil sur lequel est transcrit sa naissance dans la commune le 22 février 1901.
DE CARGESE À APPRICIANI ET À POGGIOLO
Son premier prénom, particulièrement rare, semble n'avoir jamais été porté par une autre personne dans le village.
Mais le nom de famille est également bizarre. PAPADACCI ! L'origine n'en est pas latine, ni italienne, ni corse. Ce nom est GREC !
D'où vient-il? Son origine se trouve évidemment dans la ville grecque de Corse: CARGESE.
Eglise grecque de Cargese (photo Philippe Franceschetti, 14/08/11)
L'étude de la généalogie de Barbe-Marie permet de savoir qu'elle était l'arrière-petite-fille d'Elia (ou Elie) PAPADACCI qui était né à Cargese en 1809. Il épousa le 28 avril 1836 Cecilia PETROLACCI STEFANOPOLI, née en 1813. Tous deux décédèrent à Cargese en 1859.
Leur fils Jean, né le 15 février 1839 à Cargese, s'établit comme cordonnier à Appriciani près de Vico. De son mariage avec Maria Contessa LECA, il eut deux enfants. Son femme étant mort le 11 juin 1865, il épousa en secondes noces Marie Cécile ULISSE le 15 janvier 1867. Ils s'installèrent peu de temps après à Poggiolo où leur fils Michel PAPADACCI naquit le 25 octobre 1867.
Curieusement, le registre poggiolais des naissances donne comme mère de Michel "Angèle Françoise ULYSSE" (avec un "Y"). Par contre, pour son frère Jean André, qui vit le jour le 20 mars 1875, il est bien écrit que sa mère était "Cécile née Ulisse, (...) épouse légitime" de Jean. Jean décéda à Poggiolo le 14 octobre 1908.
Jean André fut cordonnier à Poggiolo comme son père et également négociant. Il épousa Toussainte "Gracieuse" MARTINI (1872-1926), d'une vieille famille poggiolaise. Ils eurent onze enfants, tous nés à Poggiolo, dont Barbe Marie, l'épouse de RIFFLARD, qui était la quatrième.
Curiosité: sur l'acte de naissance de Barbe Marie reproduit ci-dessus, le prénom de sa mère est orthographié "Grassieuce"!
LA GÉRANCE DE GUAGNO-LES-BAINS
Jean André eut les moyens financiers de reprendre la concession des thermes de Guagno-les-Bains fin 1934 et s'associa avec son gendre Philippe GERONIMI (1903-2003), époux de sa fille Toussainte, dite "Santa" (1907-1992).
Ainsi que l'avait révélé l'article "Du nouveau dans les aventures des baignoires", les fameuses baignoires en marbre de l'établissement thermal furent récupérées par Jean André PAPADACCI à la Préfecture d'Ajaccio. Philippe GERONIMI s'installa avec sa famille dans la station thermale jusqu'en 1970.
L'importance de Jean André à Poggiolo se montre par sa participation aux affaires municipales: il fut premier adjoint de 1910 à 1912, le maire étant Pascal Antoine MARTINI, puis de 1937 à 1941 et de 1943 à 1959, avec Jean-François CECCALDI.
Jean André se remaria en 1946 avec Marie "Elisabeth" DESANTI (1882-1978) et décéda en 1962.
Quant à Barbe Marie, elle vécut jusqu'au 11 décembre 1970.
La Parisien RIFFLARD avait bien su s'adapter à la vie des villages des Deux Sorru et connaissait bien Poggiolo.
De même, les PAPADACCI venus de Cargese surent bien s'assimiler. L'hostilité des Corses de l'intérieur envers les Grecs installés par les Génois à Paomia en 1676, puis protégés par les Français à Cargese, s'était montrée plusieurs fois de façon violente (voir l'article "La rage contre les Grecs"). Mais elle finit par se dissiper au milieu du XIXème siècle. Et Poggiolo accepta facilement ses PAPADACCI.
Documents utilisés: fiches généalogiques de Pierre LECCIA et de Jean GINI sur le site Généanet, et registres d'état-civil de Cargese, Appriciani et Poggiolo mis en ligne sur le site archives.corsedusud.fr
Document Pierre LECCIA sur Généanet.