Voici quatre-vingts ans, à la suite de l'armistice signé avec l'Allemagne le 22 juin 1940 et avec l'Italie le 24 juin, la municipalité de Poggiolo décidait le 27 juillet de mettre fin à son initiative originale de magasin municipal. Quel était ce magasin?
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La seconde guerre mondiale débuta avec la déclaration de guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. Même si les opérations militaires furent limitées pendant les huit mois de la période qui suivit et qui fut appelée la «drôle de guerre», la vie économique fut désorganisée. A Poggiolo, les adultes mobilisés n’étaient plus là pour la production agricole ou aller effectuer les achats à Vico ou Ajaccio. Les importations de produits continentaux se réduisirent, les bateaux devant être protégés contre d’éventuels sous-marins allemands. Et le doute existait sur la durée de la neutralité italienne.
UNE DÉLIBÉRATION ORIGINALE
Pour faire face à cette nouvelle situation, le conseil municipal poggiolais se réunit le 24 septembre 1939, sous la présidence de Jean PAPADACCI qui était adjoint au maire depuis 1937. Le maire lui-même était absent. Ce maire était Jean François CECCALDI, né en 1876 et décédé en 1968, élu à la tête du conseil municipal depuis décembre 1919.
La solution imaginée alors fut assez originale: la création d'un entrepôt municipal qui “aura pour tache d’approvisionner le ou les magasins de façon à éviter toute hausse injustifiée des prix. Il permettra un contrôle rigoureux des prix de vente“.
Ce système fut approuvé par le préfet et l'entrepôt fut installé au rez-de-chaussée de la maison MARTINI, là où se trouvait une épicerie depuis 1921 (voir l'article Les maisons poggiolaises: 11- Le magasin). L'entrée en est maintenant fermée par une grille métallique mais l'entrée se nomme toujours "le magasin".
Le 18 décembre, le maire désigna comme comptable de l’entrepôt Antoine Dominique MARTINI, dit Antunaccione, né en 1883 et décédé en 1970, qui fut ensuite président de la délégation spéciale de décembre 1941 à septembre 1943.
Le registre des recettes et dépenses a été conservé par la famille MARTINI. Il permet de connaître les produits les plus demandés à cette époque. Sur la page du 1er janvier 1940, reproduite ci-dessous, il n'est pas étonnant de voir figurer surtout café et chocolat. Même en période de guerre, on voulait marquer le début d'année.
Registre du magasin (page du 1er janvier 1940). Photo famille Martini.
CHANGEMENT D'ORIENTATION
Après l’invasion de la France et l’armistice du 22 juin, la zone sud, dont la Corse faisait partie, ne connut pendant deux ans ni occupation ni opérations militaires. Un semblant de retour en ordre s’opéra. Mais le rationnement était devenu indispensable, comme en 1914-1918. Il avait été décidé le 10 mars 1940 et les premières cartes de rationnements furent distribuées dès fin septembre 1940 pour les produits de base: pain, viande, pâtes, sucre.
"Le Petit Marseillais", 20 septembre 1940 (Retronews).
Les édiles poggiolais s’adaptèrent à la nouvelle situation, d’autant que, en vérité, l’expérience de magasin communal n’avait pas parfaitement fonctionné.
Le conseil y mit fin le 27 juillet 1940 à 19 h sous la présidence de Jean PAPADACCI, le maire étant encore absent. Voici le texte de la nouvelle délibération (avec texte et ponctuation d'origine).
« M. le Président ouvre la séance et expose au conseil que la carte d’alimentation doit être mise prochainement en service que par suite le magasin communal pourrait ne plus revêtir d’utilité pour la population ; que d’autre part certaines difficultés ne laissent d’exister pour la régularisation des écritures que dans ces conditions il croit devoir de demander la suppression du Conseil qu’il prie de vouloir se prononcer.
Le Conseil ouï l’exposé de Mr le maire à l’unanimité des présents décide quele magasin cal créé par délibération du 24 7le 1939 sera supprimé.
Il prie Mr Martini, Antoine, Dque, désigné par arrêté du 18-12-39, comme comptable de l’entrepôt de bien vouloir reverser, dans le minimum de temps possible, dans la caisse du percepteur de vico, receveur mal, la somme de quatorze mille francs perçu par lui, chez ce comptable, pour l’exploitation du sus-dit magasin. »
Mais les difficultés de ravitaillement continuèrent et même empirèrent, surtout quand la libération de septembre 1943 coupa la Corse de ses liaisons maritimes et aériennes avec le continent pendant un an. Pendant cette période, les châtaignes fournirent un aliment précieux. La mairie ne prit alors aucune initiative particulière.
Le rationnement persista en France jusqu’à la fin de l’année 1949.
Il serait intéressant de savoir si d’autres communes suivirent la même voie que Poggiolo.
Une des dernières cartes de rationnement en France (novembre 1949) - photo Michel Franceschetti
Parmi les messages de sympathie que le blog reçoit régulièrement, nous publions le tout dernier qui est un commentaire sur l'article "La première carte avec Poggiolo".
Excellent article sur les cartes, sujet inconnu ou mal connu, la topographie est un art difficile et ardu, et puis peut-être hors du temps, avec les techniques qui nous permettent de ne plus penser. Bravo,continuez
Trés cordialement.
Pierre Martini enfant di u Pighjulu et maire (trés récent) de Sampolo, en graphie corse: San Polu e Ghjuvicacciu.
Village de Sampolo (site de la mairie)
Pierre Paul MARTINI a été élu maire à la suite du premier tour des élections municipales où il avait recueilli 72 voix, soit 63,71% des votes exprimés.
Faire de la politique en famille a toujours existé et on connaît de nombreuses communes où les maires qui se sont succédés étaient parents, comme cette année à Poggiolo où le nouvel édile a pris la place laissée par sa mère.
Pascale CHAUVEAU montre un cas très particulier dans "Corse-Matin" d'aujourd'hui mardi 23juin: un couple élu dans deux communes différentes, à Poggiolo et à Soccia.
Une erreur està relever dans l'article. Il est écrit: "les équipes municipales ont rajeuni et se sont féminisées". Le rajeunissement est flagrant dans les deux communes mais, si la féminisation est vraie pour Soccia, elle a connu un recul à Poggiolo. En ayant deux femmes sur onze conseillers contre cinq sur sept en 2014, le conseil municipal poggiolais est passé de 71,42% de femmes à 18,18% !
Voici l'article:
Le 15 mars dernier, Joséphine Pinelli-Ottavioli était élue conseillère municipale de son village de Soccia. Avant elle, sa mère, Marie-Thé, avait occupé les mêmes fonctions avec le maire précédent. Qui plus est, son conjoint, Angeot Pinelli, entame de son côté un deuxième mandat de conseiller municipal… dans l’équipe du village voisin de Poggiolo.
Le fait n’est pas si rare dans des micro-régions où les liens se tissent facilement entre habitants de villages voisins et amis. « Mon père est de Soccia et ma mère d’Orto, rappelle Joséphine. Et les parents d’Angeot sont de Soccia et de Poggiolo. Le village où l’on réside ne fait pas oublier pour autant l’autre village de cœur. » Pour Joséphine, qui travaille à la Collectivité de Corse, il y avait depuis longtemps la volonté de s’impliquer dans sa commune, pour donner des idées et faire partie de la dynamique.
Si proches mais si différents
À Soccia comme à Poggiolo, les équipes municipales ont rajeuni et se sont féminisées. Pour Angeot, cela permet aux « anciens » de transmettre leur savoir-faire, et aux nouveaux d’amener des idées neuves. Quant à savoir si, dans le couple, il y a le risque de trahir des secrets ou d’avoir des positions antinomiques, voire conflictuelles, la question est balayée par Angeot : « Il n’y a pas de secret dans un conseil municipal censé être public. Et les deux villages, aussi proches soient-ils (à peine 2 km les séparent), présentent des problématiques totalement différentes. » Ainsi, Poggiolo s’avère être l’un des rares villages à ne disposer quasiment d’aucuns terrains communaux, et manque cruellement d’eau, alors que Soccia en regorge. « On va essayer de bricoler un accord avec Soccia pour récupérer l’eau qui se perd pour irriguer les jardins de Poggiolo, poursuit Angeot, mais cela se traitera directement de maire à maire. »
Malgré la célébrité de l'abbé CIRCINELLU et de son neveu Martino LECA (dont il a été question dans l'article précédent), la résistance à l'occupation française à Sorru in sù ne fut pas uniquement guagnaise.
Un Poggiolais est cité dans "1769-1789, vingt ans de résistance corse", le livre écrit par Jean-Pierre POLI (éditions Alain Piazzola, 2019).
Il s'appelait Anton Matteo CAMILLI.
Il faisait partie du groupe dirigé par Francesco FIORE, originaire de Tavera (près de Bocognano). Ces maquisards écumaient les abords d'Ajaccio et le Cruzzini. Traqués par les troupes royales, ils tentèrent de s'embarquer pour la Sardaigne en novembre 1774. Ayant échoué, ils finirent par se rendre.
FIORE et ses seize compagnons furent emprisonnés à Ajaccio le 5 décembre 1774 et transférés à Toulon le 2 mai 1775. Parmi eux, la liste officielle note la présence de "Anton Matteo CAMILLI, 30 ans, de Poggiolo de Guagno".
Qui était Anton Matteo CAMILLI?
Dénombrement de 1770 à Poggiolo (cliquer sur l'image pour l'agrandir).
Il était mentionné sur la feuille du recensement de 1770 à Poggiolo comme faisant partie du feu numéro 27 avec son père Gioan Battista CAMILLI et sa mère Anna Maria DEMARTINI. Lui-même, qui avait alors 25 ans, était marié à une Giovanna dont le nom de famille est inconnu et ils avaient un enfant prénommé Giacomo qui serait né en 1764.
Xavier PAOLI, l'historien de Poggiolo, qui a étudié "L'Etat des âmes" tenu par le curéde 1730 (voir l'article "Histoire abrégée du village avant 1914"), ne cite pas de CAMILLI parmi les 81 habitants du village. Est-ce un oubli du document ou bien cette famille s'installa-t-elle entre 1730 et1770?
Il semble donc qu'Anton Matteo quitta sa famille pour suivre Francesco FIORE dans le maquis et en prison.
Grosse Tour (ou Tour Royale) de Toulon. Photo Wikipedia.
Après quatre ans de détention à Toulon, FIORE réussit une évasion spectaculaire racontée dans le livre de POLI:
"dans la nuit du 1er au 2 octobre 1779, en pratiquant un trou sous une fenêtre de la Grosse Tour, une vingtaine de détenus vont atteindre le donjon au milieu d'un orage épouvantable, ils se saisissent de la sentinelle, placent une corde qu'ils avaient confectionnée en secret et descendent sur le rivage situé à plus de soixante pieds. Deux sont arrêtés, un blessé décède, mais le reste parvient à s'enfuir."
Mais Anton Matteo n'était pas dans le groupe des dix-huit évadés.
Avait-il été libéré auparavant ou resta-t-il en prison? Ce qui est certain, c'est que, en 1781, il ne faisait pas partie des trois résistants corses encore enfermés à Toulon.
Il est certain également qu'il ne décéda qu'après 1813 à Poggiolo, comme le montre sa fiche biographique établie par Pierre LECCIA sur le site GENEANET.
Son fils Giacomo fut membre du conseil municipal de Poggiolo en 1803.
Nous espérons que, parmi les lecteurs du blog et les descendants d'Anton Matteo CAMILLI, il s'en trouvera qui pourraient fournir des renseignements supplémentaires sur ce discret résistant poggiolais.
Pour distraire les Français confinés, la télévision repasse des films distrayants comme la trilogie de "La 7ème compagnie" dont les deux premiers épisodes sont censés se dérouler en juin 1940. Dans les circonstances actuelles, qui a remarqué que ces diffusions ont lieu alors que nous sommes juste à quatre-vingts ans de l'invasion de la France par l'armée allemande, commencée le 10 mai 1940?
Encore beaucoup moins de personnes se souviennent que, à ce moment-là, depuis le 21 mars 1940, le gouvernement français était dirigé par Paul REYNAUD.
Pourtant, les Poggiolais devraient s'en souvenir car, dans ce dernier gouvernement de la "drôle de guerre" (cette période sans véritable combat commencée avec la déclaration de guerre du septembre 1939), il y avait Noël PINELLI.
Noël Pinelli devant la chambre des députés (juin 1936) (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
Or, il est à ce jour le seul enfant de Poggiolo à avoir été député (élu à Paris en 1936) etmembre d'un gouvernement: Paul REYNAUD, lui aussi originaire d'un département de montagne (il était né à Barcelonnette), l'avait nommé sous-secrétaire d'Etat à la marine marchande le 21 mars 1940. Il ne resta à ce poste que cinquante jours, l'attaque allemande entraînant le 10 mai un bouleversement du gouvernement qui devient plus resserré.
Noël (ou plus exactement Jean-Noël-François) PINELLI fut avocat, commissaire de la marine, combattant en 1914-1948 et eut de nombreuses autres activités. Mais il resta toujours attaché à Poggiolo où il revint souvent. Sa vie a été l'objet d'un article paru sur ce blog voici quatre ans et auquel nos lecteurs peuvent se référer.
Cette année, les circonstances rendent difficile la possibilité de se souvenir de lui mais, dès qu'une vie normale reviendra, il serait bon que la commune de Poggiolo se souvienne de son enfant (même s'il est né à Clermont-Ferrand). On pourrait envisager une plaque sur la maison PINELLI. D'ailleurs, un membre éminent de cette famille vient d'être élu au conseil municipal.
La devinette qui était proposée demandait le lien entre Poggiolo et Clermont-Ferrand. A priori, la cité industrielle et auvergnate de Clermont-Ferrand n'a aucun rapport avec le village montagnar...
La crise sanitaire qui bloque presque toute la population chez soi a un bon côté:
le confinement actuel peut être une occasion de faire du tri dans les archives familiales.
Articles, lettres, affiches, photographies, films, diplômes, décorations, petits objets du quotidien, cahiers d'écoliers, de chansons, de comptes, etc., tous ces témoignages peuvent servir à mieux faire connaître le passé de la famille et de Poggiolo, de Guagno-les-Bains et des villages voisins.
L'animateur du blog avait été sollicité plusieurs fois sans donner suite à cette demande. Elle est assez particulière car il s'agit de la recherche d'un parent anonyme.
La demande venant d'être publiée dans le groupe Facebook "Village d'Orto", il n'est plus nécessaire d'en repousser la publication.
Marie, une jeune fille de 24 ans, recherche son grand-père, le père de sa mère. Celle-ci est née en 1963 mais sous X. Elle a été ensuite élevée dans le Jura. Marie a pu retrouver sa grand-mère en Saône-et-Loire mais elle est décédée deux mois après leurs retrouvailles sans avoir donné l'identité de l'homme avec qui elle a eu un enfant.
C’est grâce à ses recherches généalogiques durant plusieurs années (avec l’ADN) que Marie sait avec certitude que les parents de son grand-père habitaient un village des Deux Sorru.
Mais lequel? Et quel famille?
Pour l'identifier, elle a une photo qui est peut-être celle de ce grand-père.
Tous les autres renseignements sont sur la pancarte montrée par Marie.
Possible photo du grand-père.
La mère de Marie, Nathalie, née en 1963.
Les indices sont minces mais Marie compte sur vous tous:
S’il vous plait, aidez nous à faire voyager ce message de régions en régions, posez des questions à vos grand parents, montrez leur! Nous vous garantissons l’anonymat si vous le souhaitez ☀️ c’est peut être grâce à vous que je le retrouverai 💙rien ne me ferait plus plaisir! 🤞🏻
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blog consacré à Poggiolo, commune de Corse-du-Sud, dans le canton des Deux-Sorru (autrefois, piève de Sorru in sù).
Il présente le village, ses habitants, ses coutumes, son passé et son présent.
Accroché à la montagne, pratiquement au bout de la route qui vient d'Ajaccio et de Sagone, POGGIOLO est un village corse de l'intérieur qui n'est peut-être pas le plus grand ni le plus beau ni le plus typé. Mais pour les personnes qui y vivent toute l'année, comme pour celles qui n'y viennent que pour les vacances, c'est leur village, le village des souvenirs, des racines, un élément important de leur identité. POGGIOLO a une histoire et une vie que nous souhaitons montrer ici. Ce blog concerne également le village de GUAGNO-LES-BAINS qui fait partie de la commune de POGGIOLO. Avertissement: vous n'êtes pas sur le site officiel de la mairie ni d'une association. Ce n'est pas non plus un blog politique. Chaque Poggiolais ou ami de POGGIOLO peut y contribuer. Nous attendons vos suggestions, textes et images. Nota Bene: Les articles utiliseront indifféremment la graphie d'origine italienne (POGGIOLO) ou corse (U PIGHJOLU).