La liste des 23 soldats poggiolais de 1870 publiée dans l’article précédent entraîne quelques observations sur leur situation et leurs actions pendant cette guerre franco-allemande. Les renseignements viennent des fiches des registres matricules entreposés aux archives de la Collectivité de Corse et dont les coordonnées (suivies de l'indication "Archives PUMONTI") ont été données dans l'article du 9 octobre.
SITUATION DES POGGIOLAIS DANS L’ARMÉE FRANÇAISE
Quand la guerre éclata en juillet 1870, douze d’entre eux étaient déjà sous les drapeaux, cinq comme engagés et sept comme appelés.
Juste avant le début du conflit, le conseil de révision exempta Jules DEMARTINI en qualité de soutien de famille et à cause de sa petite taille.
A l’inverse, par patriotisme, deux s'engagèrent pour la durée de la guerre: Jean Baptiste, dit Jules Baptiste, DEMARTINI le 14 août et Darius Jean VINCIGUERRA le 26 août.
Six Poggiolais partirent comme remplaçants de jeunes (des Bouches-du-Rhône, de Garonne ou de Gironde) ayant tiré un mauvais numéro mais dont les familles avaient pu payer la prestation prévue par la loi de 1855.
DANS QUELLES UNITÉS COMBATTIRENT-ILS?
La majorité (dix d’entre eux) furent placés dans l’infanterie (on disait alors «infanterie de ligne»).
Cinq participèrent à la guerre comme membres de la garde mobile.
Deux étaient dans la marine. Plus exactement, Antoine Mathieu DEMARTINI était matelot depuis 1862, tandis que son frère Antoine DEMARTINI, enrôlé à Brest par erreur, avait été renvoyé dans ses foyers.
Deux furent infirmiers: Philippe MARTINI et Darius Jean VINCIGUERRA, déjà mentionné ci-dessus.
Il y eut aussi :
- un dragon: Antoine Albert François DEMARTINI
- un chasseur à cheval: Jean Baptiste DESANTI
- un fantassin de marine: François Xavier VINCIGUERRA
- Enfin, Pierre François DESANTI fut déclaré «bon pour le service» mais le registre matricule n’indique pas dans quelle unité il fut aiguillé.
LES POGGIOLAIS CONTRE LES ALLEMANDS ET CONTRE LES PARISIENS
Les renseignements manquent pour savoir à quelles batailles chacun participa, sauf pour Jean Baptiste PINELLI qui était à Metz dans l’armée de BAZAINE et pour Jean Baptiste FRANCESCHETTI dont le dossier de légion d’honneur permet de savoir qu’il reçut quatre blessures lors de la bataille de Gravelotte le 16 août 1870.
Ainsi, on ignore si les cinq gardes mobiles restèrent en Corse ou s’ils firent partie des 2.600 hommes qui embarquèrent à Ajaccio le 27 juillet et «qui, n’ayant jamais servi sous l’uniforme, devront être formés sur le continent», d’après ce qu’a écrit Jean-Pierre GIROLAMI dans «Settimana» du 18 septembre 2020.
Toujours est-il que trois Poggiolais furent prisonniers:
- Antoine Laurent DEMARTINI, décédé le 26 août 1870 à Pont-à-Mousson, ville prise le 14 par les Allemands (il semble avoir été le seul Poggiolais mort pendant cette guerre);
- Jean Baptiste PINELLI, capturé quand l’armée de Bazaine capitula le 29 octobre;
- Jean Baptiste FRANCESCHETTI, pris à la suite des blessures reçues à la bataille de Gravelotte.
Trois se battirent contre des Parisiens car ayant été affectés à l’armée du gouvernement de Versailles qui combattit la Commune en mai 1871:
-Jean Baptiste DEMARTINI
-Jean Martin DESANTI
-Jean Baptiste PINELLI, après qu’il eut été libéré de sa captivité le 14 mai 1871, comme 60.000 autres soldats à la demande d’Adolphe THIERS, chef du gouvernement, pour écraser les révolutionnaires.
LEUR IDENTITÉ
Les différences d’âge n’étaient pas grandes (neuf ans). Au début de la guerre, le Poggiolais le plus ancien, Antoine Mathieu DEMARTINI, né le 4 avril 1841, avait 29 ans. Les plus jeunes, nés en 1850, étaient au nombre de cinq.
Lors de la première guerre mondiale, il y eut 51 ans entre le plus ancien (Jean Baptiste PINELLI né le 21 août 1848) et le benjamin (François Antoine Noël DEMARTINI né le 24 décembre 1899) des «poilus» poggiolais.
Le nom de famille le plus présent parmi eux était DEMARTINI (9 représentants) avant DESANTI (5 membres). Il est curieux de s'apercevoir que le nom très courant de PINELLI n’ait été cité qu’une seule fois, alors qu’il est troisième dans les noms des soldats poggiolais de la guerre 1914-1918.
Pour les prénoms, dix-sept de ces soldats en avaient deux et un en avait trois. En les comptant tous, il y en a dix-huit différents. Le plus courant était Jean, cité douze fois, largement devant Baptiste, cité sept fois. En 1914-1918, les prénoms les plus courants furent Jean, François et Toussaint, Baptiste n’apparaissant qu’une fois. On peut remarquer un Polo et un Darius.
ET APRÈS LA GUERRE ?
Onze anciens combattants de 1870-1871 étaient encore vivants quand la première guerre mondiale se déclencha. L’un d’eux, Jean Baptiste DESANTI, né en 1850, connut même le début de la seconde. Il mourut le 8 octobre 1939, à 88 ans, un mois après la déclaration de guerre (3 septembre 1939).
Les combattants de 1870 furent oubliés. Les monuments qui leur sont dédiés sont rares. Orto est une des rares communes à avoir inscrit sur le marbre le nom d’un mort de cette guerre.
Une médaille commémorative ne fut instituée qu’en 1911. Combien de Poggiolais la reçurent-ils?
Comment étaient-ils considérés au village ?
Malheureusement, nous n’avons pas assez de renseignements pour répondre à ces questions.
En tout cas, l’existence de ces vingt-trois soldats prouve que, comme les autres villages corses, Poggiolo ne resta pas à l’écart de la guerre franco-allemande de 1870.
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