- Le grand débat national est lancé. Votre regard de citoyenne?
Je trouve que ça vient un peu tard et je pense qu’il n’y aurait pas forcément eu besoin d’un grand débat qui arrive une fois que nous sommes dans une situation extrêmement difficile. En France, nous sommes face à un vide sidéral, il n’y a plus de syndicats, plus de partis, et il y a les Gilets dans la rue. On a minimisé l’importance de ces derniers qui ne sont pas là pour faire de la politique, mais parce qu’ils ont faim, parce qu’ils ont mal. Aujourd’hui, que demandent-ils ? Que les gouvernants les écoutent et apportent une réponse à la question posée. Et cette question, elle tourne autour d’une préoccupation, la vie chère. Avec le fruit de leur travail, les gens n’arrivent pas à remplir leur frigo jusqu’à la fin du mois. Se rend-on compte de la gravité de la situation ?
- En Corse, vous faites la même analyse de terrain ?
Dans l’île, il faut commencer par une évidence, le Corse est pudique, il cache la misère. Mais le Corse subit la double peine avec l’insularité qui fait que tout est plus cher. Et que dire du prix de l’essence ? Un scandale ! Alors que nous bénéficions d’une TVA réduite, c’est insupportable. Je crois qu’actuellement nous sommes dans un mauvais voyage... Et qu’aucune tendance politique ne doit se servir de cela à des fins de récupération.
- Un mot sur la conférence sociale initiée par la CdC, l’île n’est-elle pas trop dépendante de l’État pour pouvoir agir directement ?
Il faut au moins discuter. Et peut-être qu’in fine on trouvera une réponse. Quelqu’un qui fait de la politique, c’est quelqu’un qui se met au service de l’autre, ce n’est pas pour gagner sa vie, parce que la politique, ça coûte, contrairement à ce que pensent les gens, ça ne rapporte pas. Et c’est un sacerdoce. Par exemple, être maire est un sacerdoce.
- Justement, ce que le maire d’une petite commune de l’intérieur peut attendre d’une telle opération ?
Lorsqu’on est maire d’une petite commune, on connaît tous les secrets des villageois parce que ces derniers viennent vous en parler. Mais ces secrets, ils ne seront pas écrits sur les cahiers d’expression citoyenne ouverts dans les mairies. On n’écrit pas sur un cahier d’expression citoyenne la souffrance que l’on vit à la maison quand on ne peut pas boucler son mois.
Surtout, les femmes ne l’écriront pas, cette souffrance. Parce que ce sont les femmes à qui on fait confiance quand il n’y a plus d’argent. Il faut se souvenir... Quand la crise de 1989 est survenue, on donnait très peu d’argent dans les banques, les bars ne faisaient pas crédit aux hommes, en revanche, les petits commerces faisaient crédit aux femmes.
Donc, les femmes ne vont pas s’épancher sur un cahier, elles n’en ont pas besoin.
- La présidente de l’association des maires de Corse-du-Sud se sent-elle d’attaque pour aider à organiser le grand débat ?
Non, pas du tout, je n’ai pas l’intention d’organiser quoi que ce soit. S’il y a un souci, on le fera remonter, de la même manière que l’on fera remonter tout ce que l’on entend. Et en vous disant cela, je me fais l’écho de ce que me disent les gens. Il n’est pas dans nos missions d’organiser ce grand débat qui, encore une fois, aurait pu ne pas avoir lieu. Les maires, eux, vont faire suivre les doléances, parce que quand le citoyen est touché, le maire est également touché dès lors qu’il est tout près des populations. Je dis cela avec passion parce qu’un maire raisonne aussi avec son cœur. Aujourd’hui, on sait que nos concitoyens ne sont pas heureux et cela nous déplaît. Mais il n’est pas question pour nous d’organiser quelconque débat. Au président de la République d’orchestrer et d’écouter et ensuite de trouver des solutions. Chaque maire fera comme il le sent mais il n’y a pas de mot d’ordre.
Quant à la synthèse, on la connaît déjà, c’est la misère.
- Vous êtes d’accord avec la préfète lorsqu’elle dit que le goût des Corses pour la chose publique et le débat vont fédérer les bonnes volontés ?
Oui, sûrement. On n’est pas là pour nous opposer à la préfète. La préfète fait son job et nous, le nôtre. Et généralement, nos jobs coïncident. Si avec la préfète nous disons la même chose, c’est-à-dire "en Corse la vie est trop chère, faites quelque chose", peut-être qu’on va être entendus par M. Macron. Et cette grande revendication, c’est la même pour les citoyens corses que pour les citoyens français.