COMMENT FAIRE PALPITER LES LECTEURS ?
Pour faire lire quelque chose de palpitant, le correspondant particulier du PETIT PROVENÇAL raconta le vendredi 20 novembre le récit détaillé de la reddition de Henri BARTOLI, oncle du bandit tué.
Il était décrit "dans un état lamentable, presque nu, sans chaussures, sans veste, la barbe longue, la chemise déchirée, le visage et le corps couverts d'égratignures". La rédaction mit un titre encourageant: "La Police resserre ses filets autour de Spada", en y ajoutant un bémol: "mais elle a perdu toute trace de Bornéa".
Un autre article décrivit les recherches qui avaient eu lieu dans le massif de l'Aresta. Dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19, près de 250 gardes mobiles ratissèrent les bergeries placées entre BALOGNA et le col de St Antoine à la recherche de TORRE et CAVIGLIOLI... pour rien.
Jean AICARDI, pour LE PETIT MARSEILLAIS, écrit clairement que l'opération fut un échec.
ORGIE À AJACCIO
Heureusement, les policiers pouvaient s'amuser, du moins si l'on en croit L'HUMANITÉ qui revint sur les 120 prisonniers d'Ajaccio et qui révéla que, pour les officiers et les journalistes, "c'est l'orgie" dans la boîte de nuit de la préfecture.
L'article se terminait par l'annonce d'un prochain meeting communiste sur la Corse, dont il sera question très bientôt.
DAUDET DÉNONCE UNE FORMIDABLE ERREUR
La situation à la prison d'Ajaccio fut réutilisée le même jour par Léon DAUDET dans L'ACTION FRANÇAISE dans son article titré "L'école de la vendetta".
Le président du Conseil, Pierre LAVAL, était d'abord critiqué pour sa politique étrangère, puis pour l'affaire corse.
"Cette fameuse expédition militaire de Corse, trompettée à tous les échos comme une purgation du banditisme, apparaît actuellement - nous l'avions dit ici dès le premier jour - comme une formidable erreur (...)."
Il expliquait ensuite en quoi consistait l'erreur:
"Cette chasse à l'homme à grand orchestre par un corps expéditionnaire de quinze cents combattants, avec ses délations provoquées, ses incarcérations au petit bonheur, est une école de la vendetta comme on n'en a jamais vue, et risque, les gendarmes une fois partis, de mettre la Corse à feu et à sang.(...) En outre, les correspondants renseignés assurent que la prison d'Ajaccio, contenant aujourd'hui cent prisonniers et davantage, quand elle n'en peut contenir que le tiers, est devenue un cloaque, d'une promiscuité dégoûtante, où sont entassées, dans la crasse et la vermine habituelle à ces locaux, de fort honnêtes femmes, des tout jeunes gens, des enfants à la mamelle! C'est là une façon de faire infecte, qui sent sa police de Sûreté générale d'une lieue et qui est en train de nous aliéner toute la population de l'île, sous couleur de la rassurer. ( ....)
Caricature de Léon Daudet.
Si vous voulez mon avis, je vous dirai que ce pauvre Laval m'apparaît à distance (...) comme sans caractère et sans prévision. Moins outrecuidant que l'autre chouchou d'Echo de Paris et de <<bien pensants>>, je veux dire que le petit rat Paul Reynaud, (...) il apparaît comme un farceur de même acabit, sachant uniquement jouer des agences et des communiqués à la presse. En temps ordinaire, (...) cela peut prendre. Mais dès que la houle, annonçant la tempête, -économique, militaire et politique, - commencera, toutes ces petites poupées iront se cacher au fond de leurs circonscriptions ou de leurs guichets (...)
Bref, et ce sera ma conclusion, il paraît douteux que Laval fasse les bonnes élections de 1932, promises à ses gogos par l'effervescent Kerilis".
En effet, les élections législatives étaient prévues pour mai 1932, six mois plus tard. Elles furent gagnées par le Cartel des gauches, qui battit la droite amie de Laval.
Comme quoi, un royaliste peut être expert en élections républicaines!