Avoir le regard borné par le col de Sorru avec quelques coups d'œil jusqu'au golfe de Sagone, telle paraît être la seule vocation du blog de Poggiolo.
Mais notre communauté fait partie d'une communauté plus grande et ce qui touche les Corses touche aussi les Poggiolais. Ainsi, vous avez pu lire des articles sur la suppression de l'arrêté Miot,
sur le mariage homosexuel, sur le drame de Furiani, sur la violence...
Présenter un livre qui n'est pas écrit par un Sorrinesu et qui n'est pas consacré à notre canton est donc logique quand cet ouvrage fait avancer notre
compréhension de la société insulaire.
"Corse – Renaissance d’une nation", paru aux Editions Albiana sous la plume de
Christian MONDOLONI, est le livre à lire. Cette somme de 440 pages (19 euros) dresse le bilan de 250 années de présence française en Corse et insiste sur l'affrontement radical
qui débute dans les années soixante-dix.
L'auteur est bien placé pour écrire cette histoire car il a vécu de près le mouvement nationaliste. Il commença à militer très jeune, élève au lycée St Charles de Marseille,
puis à la Faculté d'Aix-en-Provence, où il se fit remarquer pour son esprit de synthèse et son sens des formules-chocs. Il fut à la base de la création des sections ARC (Action Régionaliste
Corse) des Bouches-du-Rhône et fut très proche d'Edmond SIMEONI qui signe la préface de cet ouvrage.
Le numéro du 27 septembre 2012 de "Arritti", dans l'article nécrologique de Vittoriu Sinet, rappelle, pour ceux qui l'ignoreraient, le rôle de
MONDOLONI dans les années d'avant et d'après l'affaire d'Aleria (voir http://www.r-p-s.info/IMG/pdf/Arritti_2295_FG.pdf page 4). Il a été présent à tous les épisodes des luttes
pour la survie de la Corse et eut même des fonctions électives dans son village d'origine.
Après la défaite française de 1871 devant l'Allemagne, Ernest RENAN avait écrit "Finis Franciae", sentiment que certains
peuvent avoir en ce début de XXIème siècle. Pour ce praticien et théoricien de l'identité corse qu'est Christian MONDOLONI, il n'y a aucune raison de dire "Finis
Corsicae".
Dans les propos recueillis par Jacques Renucci et publiés dans "La Corse-Votre Hebdo" de vendredi 19 avril, Christian MONDOLONI montre les
progrès accomplis par une nation corse qui a des ressources importantes. Comme il l'indique lui-même, reprenant une formule célèbre: "Le désespoir n'est pas de mise car en Politique il
est la sottise la plus absolue".
Vous pourrez lire ci-dessous quelques extraits de cet entretien. Ces propos et le contenu du livre peuvent ne pas plaire à tous et entraîneront
certainement des discussions, et c'est tant mieux. Il est à noter que de nombreux documents, souvent inédits, complètent le texte de Christian MONDOLONI.
Une vingtaine de pages peut être lue gratuitement sur le site de l'éditeur:
http://www.albiana.fr/Essais-et-revues-litteraires/Corse-–-Renaissance-dune-nation.html
Chez les nationalistes, comment analysez-vous le rapport militant à l'histoire de la Corse ? Est-il fondé sur
les réalités ou sur des mythes, une fiction?
Tout peuple vit avec une histoire mythifiée et revisite en permanence son passé. Le rapport d'un peuple à son histoire n'est donc jamais
neutre. Notre histoire fait l'objet d'un consensus jusqu'en 1769-1789. A partir de cette période elle devient un enjeu politique majeur entre deux écoles:
-Pour les historiens de l'oligarchie, la nation corse a disparu en 1789 lorsque la France a décidé de la dissoudre dans "l'empire français".
Cette fiction juridique permettait à cette classe d'habiller son allégeance au colonisateur, de justifier son enrichissement frauduleux ainsi que de revendiquer une place au sein de l'appareil de
l'Etat français. Cette classe réécrivit donc une histoire qui n'avait jamais existé, présentant Ponte Novu comme un malentendu. Un véritable mémoricide.
- Les historiens et chercheurs modernes rétablissent les vérités passées et sont bien forcés de constater que le peuple corse continue à être
une réalité bien vivante au delà des lois intégrationnistes de 1789. La renaissance nationale a développé une politique mémorielle qui se cale parfaitement avec l'enseignement de la science
historique actuelle.
Vous écrivez "le FLNC est le fils d'Aleria". Qu'entendez-vous par là ?
Face à l'agression colonisatrice active commencée à partir de 1957, l'ARC définit une stratégie de résistance musclée à la limite de la
légalité. Pour y répondre, la France met en place une politique de coercition armée. Les deux stratégies se sont rencontrées à Aleria. Les blindés contre le peuple. A partir de
là, la méthode de lutte mise au point par l'ARC n'était plus à la hauteur de la répression coloniale. Un peuple ne répond pas à l'envoi d'automitrailleuses blindées et d'hélicoptéres de combat
par des manifestations de rue plus ou moins pacifiques, des occupations de bâtiments et des pétoires. La nature et le degré de la répression française ont donc créé le FLNC qui n'aurait
jamais existé si la France avait ouvert des négociations politiques en 1975.
"Tant que la Corse sera une île, elle fabriquera des Corses", écrivez-vous. En êtes-vous vraiment sûr, compte
tenu des mutations démographiques?
Les processus d'identification à la terre, à la culture et à l'histoire du pays d'accueil sont toujours lents et douloureux pour les
populations déracinées mais notre nation conserve une identité suffisamment consistante pour faciliter la digestion de pans entiers de nouveaux arrivants.
Les descendants des Italiens ou d'autres nationalités arrivés il y a des décennies sont devenus des Corses à part entière. Certains Européens
chassés par les indépendances africaines commencent à être en voie d'intégration. Si les Portugais, les Hispaniques et certains Français non colonisateurs étaient demandeurs de notre langue, de
notre culture et de nos valeurs, s'ils participaient en nombre significatif aux combats de notre pays, leur présence et leur intégration seraient grandement facilités.
A l'heure actuelle, la France met en place une politique facilitant l'arrivée de 4000 non corses annuellement. Une telle invasion ne peut pas se
prolonger très longtemps sans modifier la nationalité du pays. Certains pensent trouver une partie de la solution avec le vote des étrangers ou la notion de "résident" qui n'aurait
d'autre résultat que de marginaliser la diaspora, trois quarts du peuple corse. La nationalité serait alors liée à la géographie et non plus à la culture. Le peuple corse
deviendrait un assemblage hétéroclite de populations récemment débarquées du bateau ou de l'avion. Le concept de "peuple corse communauté de destin" demande donc à être sérieusement revisité et
approfondi au risque de devenir la justification idéologique d'une démographie-tour de Babel. L'intégration des allogènes par la culture, la diaspora et la loi du retour sont les seules réponses
de fonds à la grave crise démographique.
Vous semblez optimiste concernant "la renaissance contemporaine de la nation corse". Qu'est ce qui justifie
cette appréciation?
Si nous prenons comme repère notre point le plus bas depuis 250 ans, la période 1945-1965: une conscience nationale à vau-l'eau, une
dévalorisation de notre héritage culturel, une démographie en débâcle, une colonisation française paroxysmique, une classe politique inconsciente ou complice, c''est le constat d'un pays dans le
coma. Que constatons-nous maintenant? Une culture en cours de redressement, une affirmation nationale en pleine ascension, une société civile lucide, une vie politique
consciente. Aucun probléme de fonds n'a encore trouvé de solutions mais plus personne de raisonnable ne nie la nécessité absolue d'y apporter des réponses satisfaisantes. Quel
chemin parcouru! Le désespoir n'est pas de mise car en Politique il est la sottise la plus absolue.
Le corpus des annexes est considérable et produit de nombreux inédits. Pourquoi un tel parti pris
?
J'ai voulu mettre le maximum de documents irréfutables, faisant sens et très souvent peu connus ou carrément introuvables. A titre d'exemple:
qui a entendu parler de "La Corse Libre" de l'économiste Mignucci publié en 1852? Qui a les textes du CCI ou du CEDIC publiés au début des années 1960? Ce sont des documents qui ont
rythmé le renaissance actuelle. Par ailleurs, ce livre va avoir des éditions en d'autres langues européennes. Sans les annexes il courrait le risque d'être mal compris par des
non-corses.