La ministre des Solidarités et de la Santé a débuté son déplacement de deux jours sur l’île hier matin, à la maison de santé pluri-professionnelle de Cargèse, qu’elle a jugée "exemplaire et emblématique" du projet Ma santé 2022
"Impressionnant !" Sur la plaque apposée à l’entrée du pôle de santé pluridisciplinaire de Cargèse, la liste des praticiens et des différentes spécialités représentées s’est attiré les louanges d’Agnès Buzyn. Pour la première étape de son déplacement de deux jours sur l’île, la ministre des Solidarités et de la Santé avait en effet choisi de se rendre, hier matin, dans cette structure ouverte il y a trois ans pour lutter contre la désertification médicale qui touche le rural.
Alors que le projet de loi relatif à l’organisation et la transformation du système de santé, déclinaison du plan Ma santé 2022, sera examiné au Sénat la semaine prochaine, la ministre a salué de manière appuyée la "dynamique" de l’établissement médical cargésien, présenté comme "exemplaire et emblématique" des orientations prises par la réforme.
"La désertification médicale est un problème international, dans la mesure où il manque 12 millions de professionnels de santé dans le monde, a rappelé Agnès Buzyn. En Corse, même si le maillage de médecins généralistes est plutôt supérieur à d’autres zones du continent, l’offre de spécialistes y est en revanche plus faible et les réseaux routiers rendent plus difficile l’accès aux soins. Il faut à cet égard s’adapter aux territoires et prendre en compte cette problématique d’île-montagne, en apportant des solutions pour garantir un réel maillage territorial".
Assurant à cet égard que l’État et l’Agence régionale de santé (ARS) "seront présents" pour soutenir les collectivités, Agnès Buzyn a d’ailleurs souhaité entendre les attentes des professionnels, mais aussi des responsables politiques, lors d’une rencontre organisée à l’issue de la visite des installations de la maison de santé.
Autour de la table, le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, la conseillère exécutive en charge de la santé et du social, Bianca Fazi, la cardiologue et présidente de la commission Santé à l’Assemblée de Corse, Danielle Antonini, ou encore le maire de Cargèse, François Garidacci, ont tour à tour exprimé les "attentes fortes, les inquiétudes, voire les impatiences"concernant l’amélioration de l’offre de soins et de la prise en charge des patients.
"Pour une médecine innovante"
Les problématiques liées à l’installation des médecins en zones rurales et à l’accès aux consultations pour les personnes isolées ont à ce titre permis de mettre l’accent sur un certain nombre d’enjeux. "Dans notre région du grand ouest, qui s’étend de Tiuccia à Porto, nous sommes passés de treize à sept médecins, pour 8 000 habitants l’hiver et près de 25 000 l’été, a ainsi souligné Dominique Poggi, médecin généraliste à Cargèse, à l’initiative du pôle de santé, l’un des cinq existant sur l’île. Cette structure fonctionne au-delà de nos espérances, mais le revers de la médaille est le problème du zonage, dans la mesure où désormais les jeunes médecins qui veulent s’installer ici, au cœur d’un territoire rural, n’ont plus droit à l’aide à l’installation, alors que, paradoxalement, ils peuvent en bénéficier en périphérie d’Ajaccio", a-t-il alerté, appuyé par Sophie Desnault et Julien Marcheschi, deux des trois généralistes candidats à l’installation dans la région.
Notamment calculé en fonction du nombre de médecins par habitants, le zonage demeure donc "évolutif" selon la ministre, qui a précisé que le territoire de Cargèse se situe en zone"intermédiaire, avec des facilitations".
Parmi les autres préoccupations exprimées par les professionnels de santé, le Dr Florence Ottavy s’est quant à elle alarmée du risque que l’expérimentation menée en télédermatologie avec des résultats probants - "plus de 900 cas suivis en quatre ans et plus de 75 000 kilomètres économisés", a-t-elle précisé - "ne rentre pas dans le droit commun et se casse la figure".
Une crainte qui n’a vraisemblablement pas laissé la ministre indifférente, tant cette dernière mise sur le développement de la télémédecine. "Il faut tenir compte des spécificités territoriales et s’organiser pour assurer une médecine innovante, a-t-elle déclaré. Les consultations avancées, notamment, représentent l’avenir et un espoir pour beaucoup de pathologies. Il est important de rassurer la population en favorisant la télémédecine pour les spécialités, mais aussi en accélérant, dès l’année qui vient, le rythme des conventionnements, filières par filières, y compris avec la Sardaigne."
Encourageant les collaborations, comme celles entre les médecins et le Samu, Agnès Buzyn a par ailleurs assuré que des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) seront financées par l’assurance maladie, afin de favoriser "le partage des tâches". La ministre a en outre annoncé que "400 postes de médecins salariés seront créés, dont cinq pour la Corse". Tout en confirmant que trois maisons de santé pluri-professionnelle ouvriront en 2020 à Prunelli-di-Fiumorbu, Sartène et Vico, et que cinq dossiers sont en cours d’instruction pour les régions d’Ajaccio, de Bastia, de Cervioni, du Prunelli, ou encore de la Gravona.