En même temps qu'il décrivait le débarquement des policiers à Ajaccio, "Le Petit Provençal" du lundi 9 novembre annonçait les premiers résultats:
"Plusieurs amis et complices de Bartoli sont arrêtés à Ajaccio.
_________
Le bandit Santoni aurait été tué"
En fait, on avait arrêté le beau-frère du bandit Séverin MORAZZANI et le conseiller d'arrondissement de Zicavo. Quant à SANTONI, il "aurait été tué dans une embuscade", sans plus de précisions.
La plus grande partie de l'article du quotidien marseillais est consacrée à Antoinette MANCINI, fille de Nonce ROMANETTI et belle-sœur de Madeleine MANCINI.
Elle était alors à Paris pour tenir des réunions pour faire l'éloge de son père et pour prouver l'innocence de Madeleine, toujours incarcérée à Montpellier. A ce propos, les lecteurs eurent droit à la version MANCINI de l'affaire de LAVA.
Mais l'événement était dans une autre publication. Contrairement à l'ensemble de la grande presse, favorable à la répression, le quotidien communiste "L'HUMANITÉ" prit une position particulière, à propos de la mort de BARTOLI, sur laquelle peu de renseignements avaient encore filtré.
L'article non signé, occupant une demi-colonne en première page, présentait le "bandit" BARTOLI (les
guillemets sont du journal) comme la victime d'un patron et d'un hôtelier, ce qui était vrai. Pour le journal du P.C.F., BARTOLI et ses congénères avaient été manipulés par la bourgeoisie qui
s'en débarrassait car ils ne lui étaient plus utiles. La justice bourgeoise n'est qu'une comédie qui ne s'occupe plus des formes pour défendre ses intérêts.
Voici le texte complet du point de vue communiste:
"Nous avons indiqué brièvement, hier, que Bartoli n'avait pas été tué par les gendarmes, mais assassiné par un patron, de la bande novie des coupeurs de forêts, nommé Simonetti.
C'est le "bandit" qui a succombé dans un guet-apens!
En effet Bartoli était en contestation, d'une part avec l'entrepreneur de coupes forestières Simonetti, d'autre part avec le directeur de l'hôtel Continental à Ajaccio.
Il paraît que Bartoli avait demandé de l'argent à ces deux capitalistes, qui pratiquent aussi "le coup de fusil", mais d'autre manière.
A bandit, bandit et demi!
Simonetti attira donc Bartoli à une entrevue près du col de Verde et tandis qu'il feignait de discuter les exigences du "roi de la montagne", traitreusement, il le tua de deux coups de revolver.
La victime, c'est le bandit! L'assassin, c'est Simonetti! Le sentiment le plus élémentaire de la justice devait faire poursuivre en cour d'assises, Simonetti, le directeur de l'hôtel Continental et le préfet.
La question ne se pose pas. La justice bourgeoise, en Corse plus encore qu'ailleurs, n'est que comédie.
Le crime de Bartoli, que nous avons d'ailleurs jugé hier comme un triste personnage, est d'avoir inquiété les puissants, les riches, au lieu de servir leurs intérêts.
Les exploiteurs capitalistes de la Corse, après avoir tant utilisé les bandits, veulent, paraît-il, les faire disparaître.
Alors, comme les bandits, et mieux que ceux-ci, ils tuent. Ils ont assassiné Bartoli, dans un guet-apens. Les dépêches d'hier soir annoncent qu'un autre "bandit", Santoni, a été tué. Procédés sommaires.
Et les gardes mobiles vont débarquer. Ils vont, sous prétexte d'encercler les "seigneurs du maquis" se livrer en Corse à de véritables manœuvres générales de guerre civile.
Ils vont aussi, comme nous l'avons dit, profiter de l'occasion pour créer en Corse des centres de force militaire.
Les "bandits" ont du bon, même en les tuant, on peut s'en servir".
La ligne du Parti était nettement fixée. Elle ne changera plus. A noter que le terme de "épuration" ne sera jamais utilisé par les communistes dans les 23 articles parus en novembre dans "L'HUMANITÉ" et recensés par Ralph SCHOR (voir ICI).
Mais les critiques envers l'initiative policière vinrent le lendemain d'un autre côté.