NETTOYAGE À BALOGNA
L'opération de l'Aresta, évoquée dans l'article précédent, qui avait commencé très tôt le matin du jeudi 19, continua le lendemain. Si "LE PETIT PROVENÇAL" du 21 novembre ne publia rien de particulier, "L'ACTION FRANÇAISE" et "L'HUMANITÉ" de ce jour-là décrivirent l'occupation de BALOGNA dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19 qui suivit.
Pour "L'A.F.", cette occupation, décidée pour rechercher TORRE et CAVIGLIOLI, "n'a donné d'autre résultat que l'arrestation du maire Antoine-Marie Casanova, de l'adjoint Auguste Allegrini et de quelques autres villageois".
Dans "L'HUMA", les arrestations furent décrites de façon plus passionnées:
"Là, les autos-mitrailleuses ont pris position devant la maison du maire Casanova qui a été arrêté, sous les yeux de ses petits enfants qui, disent les dépêches, tremblaient de peur. On a appréhendé également l'ancien maire Allegrini, le secrétaire de mairie Mathieu Falchi et son vieux père.
En outre, les gardes mobiles ont arrêté dans la montagne quelques bergers.
Le chiffre des prisonniers se trouve ainsi officiellement porté à 131."
Lucia MOLINELLI-CANCELLIERI donne un chiffre précis dans son livre "SPADA dernier bandit corse" (publié en 1994):
"Dans la seule nuit du 19 au 20 novembre 1931, trente-huit arrestations étaient effectuées à Balogna" (page 152).
Le quotidien communiste se moqua de l'opération:
"Il est facile de comprendre que si Torre et le jeune Caviglioli se cachaient dans la région, ils ont été suffisamment avertis par le bruit des autos et de la "colonne d'attaque", pour filer en temps utile."
Le quotidien royaliste, de son côté, nous apprit le but que l'on prêtait aux
fugitifs:
"On sait pertinemment que les deux bandits cherchent à gagner la côte, vers le village de Sagone, conservant l'espoir de pouvoir s'embarquer clandestinement sur l'un des petits voiliers qui viennent charger du charbon de bois pour la Sardaigne ou l'Italie. La chose étant connue, bien peu de chances restent aux bandits de réaliser leur projet."
En fait, la répression continuait mais tombait chaque fois sur le vide.
LA CORSE À LA CHAMBRE
Le 21 novembre était également le lendemain du débat sur la Corse à la Chambre des Députés. Le compte-rendu paru dans "L'HUMANITÉ" s'intitula: "Hier, André Berthon a demandé à la Chambre le rappel des troupes d'occupation".
Le député communiste (qui n'eut pas l'investiture de son parti aux élections de l'année suivante et fut désigné en 1943 comme conseiller municipal de Paris par le maréchal PÉTAIN et son ministre... Pierre LAVAL) dénonça l'envoi d'un véritable corps expéditionnaire.
Un incident retint l'attention. Dans le brouhaha, Jacques DORIOT (voir photo ci-contre), autre élu du P.C. (il ne sera exclu du parti qu'en 1934 et évoluera vers le nazisme ensuite), lança à de ROCCA SERRA (orthographié SERA dans ce journal): "De quel bandit êtes-vous l'ami?", ce qui déclencha l'hilarité générale. DORIOT précisa ensuite:
"Ce n'était pas une injure. Chacun sait que tout homme politique, en Corse, est associé à un bandit. Rappelez-vous M. Coty et Romanetti". Il faisait allusion à l'élection sénatoriale de 1923 où COTY fut élu grâce au soutien du bandit, élection qui fut ensuite annulée (voir article du blog Poggiolo sur ce sujet).
La réponse du Président du Conseil est ainsi résumée dans le quotidien communiste:
"Laval dans sa réponse essaie d'abord d'exciter la Chambre contre les communistes. Mais la manœuvre est si grossière qu'elle échoue. Il se met alors à discutailler - et à mentir - sur les chiffres des effectifs.
Puis le bon apôtre déplore <<la publicité malsaine qui a accompagné l'opération>>. Il donnera
des ordres <<pour qu'on agisse avec plus de discrétion>>. Et puis c'est le couplet sur la justice <<qui est saisie et qui doit faire son œuvre>>."