Afin que ses lecteurs continentaux ne perdent pas pied en lisant des articles avec des noms de lieux exotiques pour eux, "LE PETIT PROVENÇAL" du lundi 16 novembre publia une carte de situation des différents fronts policiers.
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On y voyait nettement que la partie la plus concernée était le centre de l'île, de part et d'autre de la dorsale montagneuse.
Dans le coin supérieur gauche de la coupure publiée ici, on pouvait aussi lire qu'un navire de guerre avait comme mission d'empêcher une fuite par la mer de SPADA, car celui-ci aurait été vu près de son repaire de La Punta.
LA RECHERCHE DU PITTORESQUE
Comme, visiblement, la feuille marseillaise ne savait pas quoi annoncer de spectaculaire, elle insista sur la haine entre les deux maîtresses de SPADA, Marie CAVIGLIOLI et Antoinette LECA, qui durent être mises dans deux cellules séparées de la prison d'Ajaccio.
Pour faire pittoresque, elle publia également une photo de "vieux Corse, regagnant son village et que la chasse aux bandits ne paraît guère émouvoir."
LA LETTRE D'UN GRAND AVOCAT
Le plus important se trouvait en page intérieure avec une lettre de Vincent de MORO-GIAFFERRI (dont on a raconté ici la rencontre avec le bandit BARTOLI) qui fit grand bruit.
Le célèbre avocat, qui avait été député jusqu'en 1928, publia un texte (dans "L'ŒUVRE", semble-t-il) dénonçant la recherche du sensationnel qui animait les policiers et les journalistes. Il eut un très grand succès et il se retrouva dans plusieurs journaux de ces jours-ci, souvent sous le titre "De la mesure dans les mesures". "LE PETIT PROVENÇAL" du 16 novembre en publia la seconde moitié. Il manque la première où de MORO-GIAFFERRI se désolait du sous-développement dans lequel se trouvait son "pauvre pays!".
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La conclusion est à retenir: "Dans ce département français, entre toutes les terres de France, je supplie qu'on n'oublie pas la vertu essentielle de notre esprit national: la mesure."
ZAZA ET LE JUSTICIER ASSASSIN
En première page de "L'HUMANITÉ" de ce jour-là, une photo montrait une autre personnage: SIMONETTI, "le meurtrier de Bartoli".
Jean SIMONETTI était un exploitant forestier qui avait été racketté plusieurs fois et qui monta une machination. Sous prétexte de négocier avec le bandit Joseph BARTOLI, il
le rencontra à PALNECA "en compagnie d'une jolie fille qu'il (avait) fait venir de Toulon et qui servira d'appât" (dixit Jean BAZAL). Les deux hommes quittèrent le village, avec deux ou
trois autres personnes, pour se détendre au col de Verde. Et c'est là que BARTOLI fut tué dans des circonstances encore obscures aujourd'hui. Pour les communistes, SIMONETTI était un capitaliste
qui opprimait et assassinait les prolétaires. Le 16 novembre, on pouvait lire dans "L'HUMA":
"Un seul résultat (de tout le déploiement de forces) a été obtenu: la mort de Bartoli. Or, celle-ci a été accompagnée de circonstances telles qu'elles constituent un encouragement au banditisme le plus éhonté.
Dans cette affaire sanglante, la <<victime>>, c'est le bandit. Simonetti, le gredin capitaliste, qui l'a tué par traîtrise avec le concours d'une femme d'une moralité spéciale, du nom de Zaza, et de deux autres individus, a reçu, pour prix de son assassinat, la somme de 300.000 francs. L'honnête général Fournier (...) vient de faire filer sur le continent, par le paquebot <<Cyrnos>>, l'amazone qui fut en cette affaire collaboratrice zélée des autorités.
(...)
Voilà comment on assainit et on épure!
Contre toutes ces infamies, les prolétaires de France ne peuvent manquer, à l'appel de la C.G.T.U., de se solidariser de plus en plus étroitement avec les travailleurs de Corse, victimes de l'état de siège".
A l'inverse, la presse "bourgeoise" ne tarissait pas d'éloge sur le justicier qui était dépeint par
"LE PETIT PROVENÇAL" du 13 novembre comme un "robuste et charmant garçon de trente ans". Etait-ce vraiment le même personnage?