MAISONS ET ATTENTE
En ce samedi 14 novembre, les lecteurs du "PETIT PROVENÇAL" purent connaître "Les Hôtes du Maquis", c'est-à-dire la liste des douze bandits recherchés. Et, pour montrer leur dangerosité, une photo en première page montra la maison de PALNECA d'où BARTOLI avait tiré sur deux gendarmes peu avant sa mort.
De son côté, "L'HUMANITÉ" faisait voir la maison de SPADA sur une photo encadrée par le cliché d'un garde mobile "à l'affut dans le maquis. Il semble bien qu'il n'y court pas grand risque".
Comme ce policier, l'envoyé spécial du "PETIT PROVENÇAL", François PRIEUR, pensait que "Les positions sont prises. Après l'émoi du débarquement et de l'offensive, c'est maintenant l'attente. Chaque jour peut amener sa surprise et de longs jours peuvent s'écouler sous le signe du communiqué bien connu: "rien à signaler"".
En attendant des faits nouveaux, le service des renseignements avait été décentralisé. Deux inspecteurs de police mobile qui étaient à AJACCIO furent détachés "à demeure dans chacun des secteurs investis: à Sari-d'Orcino (région Spada), à Guagno (région Caviglioni) (sic), à Guitera (région Bornéa) et à Palneca (région Bartoli)."
PREMIÈRES CARICATURES
Des caricatures avaient commencé à être publiées. Comme exemple, voici celle que montra ce jour-là le journal "L'ŒUVRE", dessin qui a été repris par Ralph SCHOR dans sa communication déjà mentionnée.
A BAS LA RÉPUBLIQUE
Le 14 novembre fut aussi le jour d'un nouvel éditorial enflammé de Léon DAUDET, intitulé "Le cabinet Laval et l'énigme corse", dans "L'ACTION FRANÇAISE".
Il commençait par critiquer Pierre LAVAL, "larve montée en <<homme d'Etat>> par tous les suce-pieds de la presse de grandissime information" (l'A. F. n'aima jamais LAVAL). Puis, ce royaliste s'en prenait au système électoral: "ce bonneteau grotesque et honteux qui ramène, tous les quatre ans, sa provision de bavards, de cloportes et de filous au Palais-Bourbon".
Pour lui, l'expédition en Corse était "une diversion bien cocasse". Le cocasse venait de la présence comme préfet de MARLIER, que l'écrivain accusait de la mort de son fils Philippe.
Il relevait ensuite des faits troublants:
- "l'orchestration de presse à grand orchestre" pour faire oublier des erreurs de Paul REYNAUD, alors ministre des Colonies: "Il n'est plus question de ce rat clignotant, tout de blanc habillé, avec le casque, depuis qu'on traque et emprisonne les ravitailleurs de Spada".
- "le choix de la saison, qui est celle des tempêtes et des pluies, alors qu'il était loisible de procéder à cette épuration en juin, juillet et août, ce qui eût en outre épargné la vie des récentes victimes du banditisme".
- "Enfin, la rigueur des mesures prises vis-à-vis de toute une population honnête, dont
la colère, m'assure-t-on,
commence à gronder sourdement."
Il mentionnait ensuite les hommes politiques (ANQUETIL, CELICE, STEEG, SARRAUT, MARLIER) qu'il accusait de crimes dans les colonies, "dans des conditions plus atroces que celles infligées à leurs victimes par les Spada et les Bartoli". Et comme les efforts de moralisation n'aboutissent pas, la France s'affaiblit et les Allemands en profiteront: "un beau matin, on apprendra que les "Casques d'acier" sont entrés simultanément en Lorraine et en Alsace".
La conclusion royaliste s'imposait donc logiquement:
"Tout cela prouve que le mal qui attaque la France est intimement lié au régime; qu'aucun changement de gouvernement, qu'aucune rotation, qu'aucune élection, qu'aucun changement du mode de scrutin ne saurait plus arrêter la marche de la pourriture de démocratie, comparable à la pourriture d'hôpital. Delenda est Republica. Il faut détruire la République. C'est la besogne urgente et nécessaire".