Les Deux Sorru eurent une place de choix dans la presse du 12 novembre 1931.
LA LIBÉRATION DE GUAGNO-LES-BAINS
"LE PETIT PROVENÇAL" décrivit ce jour-là, dans un article daté du 11, le déplacement de commissaires de la police mobile pour contrôler des informations sur la présence de SPADA:
"Par la route en lacets qui longe d'abord le golfe de Sagone, découvrant à chaque tournant des sites sauvages et pittoresques, puis qui grimpe vers Sari-d'Orcino, l'automobile des policiers a atteint Vico.
Les forces de la garde mobile et de la gendarmerie qui, depuis 3 jours gardent toutes les routes et tous les chemins de ce secteur, n'avaient constaté, au cours de la nuit, aucun déplacement suspect à Vico.
A Guagno-les-Bains, la police mobile a été beaucoup mieux accueillie qu'autrefois. Le fait d'avoir arrêté la plupart de ceux qui, ouvertement, étaient en relation avec le bandit Spada a redonné confiance aux honnêtes gens terrorisés. Des renseignements intéressants ont été recueillis, qui pourront être utilisés dans un avenir que l'on croit très prochain."
Ce texte est illustré par une photo d'un "type de bandit" conforme aux images de cette époque, qui permit de montrer l'adversaire.
Le compte-rendu du déplacement des policiers est reproduit de façon totalement identique (à l'exception de la phrase sur la route de Sagone à Vico) dans plusieurs journaux, comme "OUEST-ECLAIR" ou "LE JOURNAL DES DÉBATS".
Pour mettre de l'ordre dans l'esprit de ses lecteurs, "LA CROIX" donne la liste des "régions centrales de l'île (où) le banditisme (avait été) érigé en "industrie"":
-"Balogna, Guagno, Vico, ancien fief de Caviglioli, où l'on traque ses alliés;
-Lopigna, théâtre d'un massacre dont l'auteur est le bandit Spada;
-Palneca, résidence du bandit Bartoli;
-Cozzano et Zicavo, localités où Bartoli exerçait son industrie sanglante;
-Prunelli, clé du Fium'Orbo, où se cachent de nombreux hors la loi,
-et Vezzani, où fut tué le bandit Perfettini, apache marseillais réfugié au maquis."
COMBIEN D'ARRESTATIONS?
Un premier bilan des arrestations parut ce jour-là dans les journaux, avec des chiffres différents. "LA CROIX" écrit que 48 personnes ont été "arrêtées à PALNECA, BALOGNA, SARI-d'ORCINO et GUITERA". "L'HUMANITÉ" en compte 61, tout comme "LE JOURNAL DES DÉBATS". Pour "LE PETIT PROVENÇAL", il y avait 74 arrestations "pour complicité ou recel de malfaiteurs:
1° L'affaire du bandit André Spada a amené six arrestations, sa maîtresse Antoinette Leca, 34 ans, sa mère, la veuve Antoinette Leca, 72 ans, Pascal Leca, 20 ans, fils naturel du bandit Romanetti et deux comparses.
2° Pour le recel des bandits Caviglioli et Torre, 22 arrestations ont été opérées dans le secteur de Guagno. Au nombre des individus appréhendés figurent un propriétaire, Paul Benedetti, 50 ans, une hôtelière de Sagone, Marie Casanova, 36 ans, l'entrepreneur du transport postal, François Cipriani, un commerçant d'Ajaccio, Amédée Di Fabio, tailleur; le chauffeur d'automobile André Gardella."
La liste ajoutait six arrestations dans l'affaire BORNEA et trente-six dans l'affaire de BARTOLI. On arrive ainsi à 69 au lieu des 74 annoncées.
DES PAUVRES BOUGRES MANIPULÉS
De son côté, "L'HUMANITÉ" se distingua en répétant l'analyse assénée le 9 novembre:
"Tous les "bandits" corses sont de pauvres bougres qui, après avoir pris le maquis à la suite d'un coup de tête ou d'un acte de vengeance, deviennent des voleurs et des assassins très vulgaires. Mais on ne peut oublier qu'il y a peu de temps encore tout le beau monde flirtait avec eux. Les gens de la Haute, mêles et femelles, leur rendaient visite dans le "Palais Vert". Les journalistes montaient jusqu'à leurs repaires pour les interviewer. Les Spada et les Bartoli posaient devant les photographes et les cinématographes. On nous relatait leurs exploits, leurs amours.
Et pendant de temps les bandits faisaient de bonnes affaires avec les coquins capitalistes qui mettent en
coupe réglée "l'Ile de Beauté" et avec les politiciens dont ils se constituaient, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les agents électoraux."