La tentative de meurtre envers Yvan COLONNA a entraîné des réactions nombreuses et brutales.
Intitulé "La paix", l'éditorial de Roger ANTECH, rédacteur en chef et directeur de publication de "Corse-Matin", dans l'édition de vendredi 11 mars, a le grand mérite de pointer du doigt les erreurs d'un gouvernement qui ne s'intéresse pas à la Corse car "la proximité est, pour lui, un fardeau", un fardeau incompréhensible et sans intérêt.
Et tant pis pour les périphéries.
LA PAIX
Roger ANTECH
Est-ce l'effet des grenades assourdissantes qui répondent aux cocktails Molotov, mais le silence du gouvernement se fait terriblement pesant en Corse. Nous ne voudrions pas avoir à écrire tragiquement pesant, s'il devait persister plus longtemps. Où est ainsi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, alors que l'ordre public dans l'île est, chaque nuit, battu en brèche par une jeunesse "ensauvagée", dirait-il, et que le trouble est, à ce point (de rupture) manifeste? Dans quel abri le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti s'est-il retranché? Un palais de justice est incendié, mais on n'entend pas tonner la voix enfumée de l'ancien ténor des prétoires. Un détenu est victime d'une agression en prison par un ex-djihadiste, et sa parole reste toujours verrouillée. Le ministre a sur lui, dans ces événements, la circonstance aggravante d'avoir été l'avocat du prisonnier corse attaqué. La politique à ce niveau d'engagement est un enfermement, une vie nouvelle passée derrière les barreaux de la charge.
Où se trouve encore le Premier ministre Jean Castex, d'ordinaire si bavard? Un communiqué de cinq lignes, lapidaire au possible, a suffi pour lever le statut de DPS d'Yvan Colonna, mais pas à le sortir d'un coma si profond. Puis à faire monter d'un cran la colère en Corse. Un crime odieux, une mobilisation ferme et grave, et quelques nuits d'affrontements l'ont fait plier, là où l'application du droit n'y pouvait rien. Pour Colonna, mais pas pour les autres, Castex, à sa manière, cautionnerait-il toutes les violences? S'il ne pousse pas plus loin, sa position est intenable.
Que dit enfin, dans cette ornière, le président de la République Emmanuel Macron? Sinon que son absence de dialogue avec la Corse restera comme l'un des échecs cuisants du quinquennat. Il n'a pas su sur ce bout du territoire national préserver une paix civile - certes précaire - qu'il a l'ambition maintenant d'imposer à d'autres au cœur de l'Europe. La proximité est, pour lui, un fardeau. Et l'incompréhension mutuelle.
Car il arrive parfois que, dans la tragédie, des destins s'entrechoquent. Gilles Simeoni, le président de l'exécutif de Corse, vit aussi l'épreuve de la paix. Il a fait, de l'abandon de la violence, la raison d'être de son engagement. Elle se rappelle soudainement à lui. Et certains, dans la famille nationaliste, plus forcément de sa majorité, lui rappellent l'impasse d'un processus démocratique voulu, mais pas reconnu à sa juste valeur plus haut.
Les uns comme les autres ont pourtant le devoir de dire que la paix reste l'unique chemin, et qu'ils ont le pouvoir de la rétablir ensemble. S'ils veulent éviter, parmi la jeunesse notamment, qu'un drame s'ajoute au drame. La Corse n'y est pas condamnée. A perpétuité.