SPADA EN VEDETTE
Une nouvelle positive pour les lecteurs du PETIT PROVENÇAL du vendredi 13 novembre 1931: en "une", l'annonce et la photo de l'arrestation, près de Palneca, d'un "complice des bandits" anonyme.
Pour compenser cet anonymat et pour illustrer le premier article de son "envoyé spécial" François PRIEUR (1885-1963), de son vrai nom François ANTONORSI, le journal publia également le visage de SPADA, le bandit-vedette.
LE PETIT MARSEILLAIS fit de même en publiant sa « dernière photo », photo tirée de l’interview filmée du 24 février 1931 par les journalistes de Pathé Cinéma Harry Grey et Christine Hubert, qui eut un grand succès dans les salles de cinémas françaises et étrangères.
COMBIEN D'ARRESTATIONS ?
Les journaux n'arrivaient pas à s'accorder sur le nombre des personnes arrêtées.
L'ACTION FRANÇAISE et LE POPULAIRE, organe du parti socialiste S.F.I.O., de ce jour donnèrent le même bilan de 77 arrestations, dont 2 à COGGIA et à MARIGNANE (la même faute de frappe se retrouve dans les deux journaux qui ont dû utiliser la même dépêche de l'agence Havas). L'HUMANITÉ arrivait au chiffre de 174: faute de frappe également ou volonté de montrer la lourdeur de la répression?
Cette lourdeur était décrite par François PRIEUR:
"Un hydravion survole la baie de la ville. L'aviso "Toul" défile au large. Des gardes mobiles rentrent au pas cadencé. (...) Il continue à pleuvoir sur Ajaccio qui commence à pavoiser pour la journée de l'Armistice.
J'ai parcouru en auto quelques coins de montagne occupés par les détachements de gardes mobiles. (...)
Tous les villages que nous rencontrons ont à peu près le même aspect d'humbles maisons de pierre nue, perchées sur des hauteurs, rangées le long de la route, accrochées à la pente d'un mont, et dès l'entrée, des fourgons automobiles, des uniformes de gardes mobiles, la popote en plein air.
Les gardes ne sont pas logés chez l'habitant. On a fait évacuer un certain nombre de maisons, dont les occupants se sont logés chez les voisins comme ils ont pu."
COUVRE-FEU DANS LES DEUX SORRU
La polémique s’était alors déclenchée pour savoir si la Corse subissait l'état de siège. Tous les quotidiens de ce jour publièrent le communiqué suivant émanant des autorités gouvernementales :
"Si l'état de siège n'a point été proclamé, comme on l'a dit, la circulation des habitants et des automobiles est, du moins, strictement réglementée. A 21 heures, dans les villages de Sari-d'Orcino, domaine de Spada; de Guagno et de Vico, domaine de Caviglioli, au Nord d'Ajaccio; de Guitera, où opérait Bornéa, et Palneca, où opérait Bartoli, à l'Est du chef-lieu, tout le monde doit avoir regagné son habitation.
Quant à la circulation des automobiles, elle est plus rigoureusement encore réglementée. Ne peuvent franchir les postes de gardes, installés sur toutes les routes, que les automobilistes dûment autorisés. Les consignes, données aux gardes, sont extrêmement sévères. En aucun cas, un garde ne peut circuler seul et tous doivent être constamment armés. Dans les secteurs où les bandits se sont réfugiés, gardes et gendarmes ont l'ordre de tirer sur toute personne qui ne s'arrêterait pas à la première sommation. Telle est la rigueur des consignes."
LA TERREUR POLICIÈRE
Mais L'HUMANITÉ n'avait pas le même point de vue.
Un article, toujours non signé, s'intitulait: "Dans l'île en état de siège, la terreur policière s'étend", avec un inter-titre: "Défendons les paysans corses!":
"La Corse est en état de siège. Nous l'avons dit. Les journaux bourgeois l'ont avoué. Un demi démenti officiel a été publié hier par le journal Le Temps. Mais le fait n'est pas contrôlable.
La circulation est interdite. Les routes sont coupées. Le cri: Haut les mains! retentit partout.
On arrête en masse: 174 personnes sont déjà sous les verrous. Quel est donc ce régime, sinon celui de l'état de siège?
(...)
Dans la zone occupée, la population brutalisée par la soldatesque gronde sourdement. Plusieurs envoyés de journaux signalent l'attitude de fierté et de protestation des paysans corses maltraités par les pandores qu'ils regardent avec un mépris hautain et qu'ils se refusent à renseigner sur les "hors la loi".
(...)
"Des cantons entiers subissent une occupation militaire odieuse. Contre les politiciens et les gros bourgeois corses, seuls responsables de la résistance du banditisme, il faut défendre les honnêtes paysans de l'île, victimes de l'état de siège."
De son côté, Léon BANCAL, continuant l'étude du "problème du banditisme" dans LE PETIT MARSEILLAIS, constatait, en racontant plusieurs règlement, de comptes, que "l'ennemi le plus implacable du bandit, ce n'est pas le gendarme, c'est le bandit".
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