Les Deux Sorru eurent une place de choix dans la presse du 12 novembre 1931.
LA LIBÉRATION DE GUAGNO-LES-BAINS
LE PETIT PROVENÇAL décrivit ce jour-là, dans un article daté du 11, le déplacement de commissaires de la police mobile pour contrôler des informations sur la présence de SPADA:
"Par la route en lacets qui longe d'abord le golfe de Sagone, découvrant à chaque tournant des sites sauvages et pittoresques, puis qui grimpe vers Sari-d'Orcino, l'automobile des policiers a atteint Vico.
Les forces de la garde mobile et de la gendarmerie qui, depuis 3 jours gardent toutes les routes et tous les chemins de ce secteur, n'avaient constaté, au cours de la nuit, aucun déplacement suspect à Vico.
A Guagno-les-Bains, la police mobile a été beaucoup mieux accueillie qu'autrefois. Le fait d'avoir arrêté la plupart de ceux qui, ouvertement, étaient en relation avec le bandit Spada a redonné confiance aux honnêtes gens terrorisés. Des renseignements intéressants ont été recueillis, qui pourront être utilisés dans un avenir que l'on croit très prochain."
Le compte-rendu du déplacement des policiers est reproduit de façon totalement identique (à l'exception de la phrase sur la route de Sagone à Vico) dans plusieurs journaux, comme L'OUEST-ECLAIR ou LE JOURNAL DES DÉBATS.
Guagno-les-Bains est ainsi mis en valeur car la station thermale était devenue un symbole de la puissance du banditisme depuis l'agression sanglante du 17 août 1931.
Pour mieux montrer l'adversaire, ce texte était illustré par une photo d'un "type de bandit" conforme aux stéréotypes de cette époque.
LE PETIT MARSEILLAIS se distingua de la masse avec son envoyé spécial Jean AICARDI qui préféra envoyer un article décrivant minutieusement la maison de SPADA, dans le golfe de Lava, au-dessous de Calcatoggio, et l'organisation de ses activités:
"André Spada, outre qu'il assure sous le nom du frère de sa maîtresse Jules Leca le service postal Ajaccio-Lopigna, s'occupe d'industrie forestière. Avec le concours de plusieurs équipes de journalistes [sûrement une erreur pour "journalier"] italiens, il exploite la forêt située en contrefort, derrière la Punta, de l'autre côté du vallon de Calcatoggio".
GÉOGRAPHIE DU BANDITISME
Pour mettre de l'ordre dans l'esprit de ses lecteurs, LA CROIX donna la liste des "régions centrales de l'île (où) le banditisme (avait été) érigé en "industrie":
-"Balogna, Guagno, Vico, ancien fief de Caviglioli, où l'on traque ses alliés;
-Lopigna, théâtre d'un massacre dont l'auteur est le bandit Spada;
-Palneca, résidence du bandit Bartoli;
-Cozzano et Zicavo, localités où Bartoli exerçait son industrie sanglante;
-Prunelli, clé du Fium'Orbo, où se cachent de nombreux hors la loi,
-et Vezzani, où fut tué le bandit Perfettini, apache marseillais réfugié au maquis."
COMBIEN D'ARRESTATIONS ?
Un premier bilan des arrestations parut ce jour-là dans les journaux, avec des chiffres différents: 48 pour LA CROIX, 61 pour L'HUMANITÉ et LE JOURNAL DES DÉBATS. Pour LE PETIT PROVENÇAL, il y avait eu 74 arrestations "pour complicité ou recel de malfaiteurs:
1° L'affaire du bandit André Spada a amené six arrestations, sa maîtresse Antoinette Leca, 34 ans, sa mère, la veuve Antoinette Leca, 72 ans, Pascal Leca, 20 ans, fils naturel du bandit Romanetti et deux comparses.
2° Pour le recel des bandits Caviglioli et Torre, 22 arrestations ont été opérées dans le secteur de Guagno. Au nombre des individus appréhendés figurent un propriétaire, Paul Benedetti, 50 ans, une hôtelière de Sagone, Marie Casanova, 36 ans, l'entrepreneur du transport postal, François Cipriani, un commerçant d'Ajaccio, Amédée Di Fabio, tailleur; le chauffeur d'automobile André Gardella."`
Le journal ajoutait six arrestations dans l'affaire BORNEA et trente-six dans l'affaire de BARTOLI, ce qui ne fait pas les 74 annoncées.
Quant au PETIT MARSEILLAIS, qui employa pour la première fois l'expression "la répression du maquis corse", il en était à 117 arrestations !
DES PAUVRES BOUGRES MANIPULÉS
De son côté, L'HUMANITÉ se distingua en répétant l'analyse assénée le 9 novembre:
"Tous les "bandits" corses sont de pauvres bougres qui, après avoir pris le maquis à la suite d'un coup de tête ou d'un acte de vengeance, deviennent des voleurs et des assassins très vulgaires. Mais on ne peut oublier qu'il y a peu de temps encore tout le beau monde flirtait avec eux. Les gens de la Haute, mâles et femelles, leur rendaient visite dans le "Palais Vert". Les journalistes montaient jusqu'à leurs repaires pour les interviewer. Les Spada et les Bartoli posaient devant les photographes et les cinématographes. On nous relatait leurs exploits, leurs amours.
Et pendant de temps les bandits faisaient de bonnes affaires avec les coquins capitalistes qui mettent en coupe réglée "l'Ile de Beauté" et avec les politiciens dont ils se constituaient, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les agents électoraux."
Léon BANCAL avait fait pratiquement le même constat la veille dans un article du PETIT MARSEILLAIS sur "L'utilisation sociale du bandit" en citant la vieille sentence corse: "Pulitica e donna son i castichi di l'omù" (la politique et la femme sont les châtiments de l'homme) !!!
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