Article écrit par Bernard ALLIEZ et publié dans "Inseme" de décembre 2020.
Noël avant Noël!
Bernard Alliez
Quand Luc et Matthieu racontent l’enfance du Christ, on nage vers le merveilleux et le magique qui réactivent nos mémoires d’enfants. On a le chant des bergers, les anges, les mages qui suivent une étoile, la douce nuit de Judée qui accentue le coté féérique de la scène, l’étable avec l’âne et le bœuf qui réchauffent l’enfant sera décrite plus tard dans un évangile apocryphe.
Ce merveilleux récit n’est pas une belle histoire que l’on raconte pour endormir les enfants, il est écrit, au contraire pour réveiller notre foi et mettre en perspective l’ensemble des récits évangéliques et tout ce qui avait été annoncé par les prophètes dans les Ecritures bibliques. Celui qui vient de naître est le fils du Dieu vivant et il s’agit de susciter notre adhésion afin que nous croyions que cet enfant est Dieu lui même qui vient parmi nous. C’est le mystère de “ l’incarnation “, base essentielle de notre foi.
Toute la merveilleuse mise en scène du récit évangélique et son arsenal d’images doit susciter chez chacun de nous bonheur simplicité et humilité devant le mystère profond et insondable d’une croyance venue du fond des âges.
L’image de “ la mère et l’enfant “ était bien connue du monde antique ; les Babyloniens et les Egyptiens adoraient une “ Madone “ qu’ils révéraient comme “ reine du ciel “, un titre que l’église romaine appliquera des siècles plus tard à Marie mère de Jésus.
En Egypte, Isis était la mère et Horus l’enfant, en Mésopotamie, c’était Ishtar et Tammuz.
Noel viendrait du mot latin “ natalis “ signifiant : relatif à la naissance. Au IVe siècle, en 354, à Rome, le pape nommé Libère, fixe l’incarnation de Jésus le 25 décembre et cette date sera codifiée par l’empereur Théodose en 425, le choix de cette date est des plus symboliques car cela correspond au solstice d’hiver, moment à partir duquel les jours rallongent. Elle marque le début de l’année liturgique. Dans les églises d’orient cette date fut fixée au 6 janvier.
Ce symbole de la victoire de la vie (lumière) sur la mort (obscurité) est utilisé dans de nombreuses religions : à Rome on fêtait les Saturnales fête du dieu Saturne, éga- lement pour les adeptes du dieu Mithra, la naissance du dieu tombe ce jour là, c’est la fête du “ sol invictus “ (soleil invaincu). Cette fête ressemblait étonnamment à notre Noël moderne, on s’offrait des cadeaux, les hostilités cessaient, les banquets s’organisaient.
La fête juive d’Hannoucca commémorant l’inauguration du temple de Jérusalem tombe également à une date proche du 25 décembre. Cette date n’est pas « récupérée » par les chrétiens. Il s’agit d’un moment à la symbolique forte utilisé par de multiples religions dont le christianisme qui ne souhaite pas laisser le monopole des symboles astronomiques aux païens.
Peu à peu, la fête prend de l’ampleur. A la fin du Vème siècle, Clovis se fait baptiser le jour de Noël; en 506, le concile d’Agde en fait une fête d’obligation, en 529 l’empereur Justinien en fait un jour chômé.
L’habitude d’offrir des cadeaux autour de la période de Noël se fait pour les chrétiens en référence à Saint Nicolas (saint patron des enfants) fêté le 6 décembre ou aux présents apportés par les rois mages à l’enfant Jésus. La date pour offrir fluctue donc entre les régions et les époques, chez nous en général le 25 décembre. Il s’agit d’un évènement bien secondaire sans commune mesure avec le sens premier de Noël : incarnation de Dieu qui prend chair dans ce qu’il y a de plus fragile et de plus merveilleux, un enfant qui nait.
La fête de Noël exalte les valeurs d’humilité, de joie et d’espérance pour l’humanité. En Corse et en Provence, les traditions sont comparables : messe de minuit, repas familial, crèche, feu sur la place de l’église.
Le « père noël » n’a rien de chrétien ni de religieux en dehors d’un lointain lien à Saint Nicolas. Les références à Jésus ont été minimisées et l’aspect commercial et marchand de la fête est très valorisé. Beaucoup affirment que l’on a détourné une fête chrétienne sacrée à des fins uniquement laïques et marchandes.
Le superbe tableau de Sano di Pietro (1445) du musée d’Aléria mais qui décorait auparavant l’église du couvent d’Alesani évoque pour moi cette naissance de l’enfant Dieu avec les deux cerises, l’une évoquant par la douceur de son goût la tendresse de sa mère et donc le paradis, l’autre par le rouge préfigure la passion à venir. L’expression de la Vierge est certes joyeuse mais surtout résignée devant tous les ennuis futurs que son cœur de mère devra endurer !
Bernard Alliez
➥ Oui, il y a eu un Noël païen avant le Noël chrétien ! Oui, la foi chrétienne a repris et christianisé toutes les fêtes liées à la nature ! Mais ATTENTION ! Aujourd’hui, pour beaucoup NOEL n’a plus aucun rapport avec la naissance de Jésus : c’est devenu une fête essentiellement familiale ! Merci Bernard!
Jean-Pierre Bonnafoux