Pendant la guerre de 1870, quatre frères DEMARTINI de Poggiolo firent partie de l'armée française mais avec des situations très différentes qui illustrent les difficultés des familles corses de cette époque.
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Dominique DEMARTINI (1806 ou 1807-1880) et son épouse Madeleine (1810-1871) eurent six garçons. L'aîné Jean Baptiste et le benjamin Dominique Antoine n'avaient pas l'âge pour participer aux combats de 1870.
DEUX MARINS
Le second des enfants du couple, Antoine Mathieu, né le 4 avril 1841, fut appelé à l'armée en mars 1862. Il fut envoyé par le conseil de révision comme apprenti marin à Toulon. Il participa à la guerre dans la Marine où il fit carrière. Il décéda comme matelot vétéran le 14 juillet 1885 à l'hôpital maritime de Toulon.
Son frère Antoine, né en 1844, fut convoqué en 1865 par le conseil de révision qui l'envoya chez les apprentis marins de Brest. Mais, en février 1866, l'armée s'aperçut qu'une erreur avait été commise: il n'aurait pas dû être mobilisé car il était frère d'un militaire déjà sous les drapeaux (Antoine Mathieu).
Il fut renvoyé dans ses foyers à Poggiolo et ne participa pas aux opérations militaires. Cependant, quand il déclara le décès de sa mère Madeleine le 22 juin 1871 à la mairie de Poggiolo, le registre d'état-civil le mentionna comme "marin domicilié à Poggiolo". Il ne fut libéré des obligations militaires que le 31 décembre 1871. Il décéda en avril 1873 à l'hôpital d'Angoulême.
MORT EN INDOCHINE
Né le 25 avril 1847, François Marie était berger quand il se présenta au conseil de révision du 14 juillet 1868. Versé dans la garde mobile, il aurait pu ne pas prendre l'uniforme tout de suite mais il fut désigné (car cela était alors possible) comme remplaçant d'un appelé de Gironde. Il dut partir dans les troupes coloniales (on disait alors troupes de marine) vers l'Indochine alors en voie de conquête. Saïgon avait été prise par une expédition franco-espagnole en 1859.
"Canonnier à la première batterie du régiment d'artillerie de marine et des colonies", il mourut de dysenterie dans l'hôpital de cette ville le 27 juin 1870, donc quelques semaines avant le début de la guerre avec l'Allemagne.
L'annonce officielle de ce décès fut retranscrit à Poggiolo pratiquement deux mois après, vers la mi-août.
MORT EN LORRAINE
Pour Antoine-Laurent, né le 28 juillet 1850, l'armée était un choix: il s'engagea volontairement le 17 février 1869 au 6e de ligne de l'armée du Rhin.
Il prit part aux combats dès la déclaration de guerre et il fut déclaré comme mort le 26 août 1870 à Pont-à-Mousson. Comme la ville avait été prise par les Allemands le 14 août après deux jours de violents combats, on peut supposer qu'Antoine Laurent mourut dans le camp de prisonniers français installé dans cette ville, peut-être à la suite de blessures reçues les jours précédents.
Curieusement, son décès ne fut retranscrit sur le registre d'état-civil de Poggiolo que le 25 décembre 1871, soit plusieurs mois après la fin de la guerre. Retard dû à des difficultés de communications entre autorités françaises et allemandes?
A cette date, sa mère était trépassée depuis le 22 juin 1871. Elle avait eu le temps d'apprendre la disparition de François Marie. La notification officielle du décès d'Antoine Laurent n'était pas encore parvenue au village mais son silence depuis dix mois ne laissait plus d'espoir.
La guerre de 1870-1871 est oubliée. Elle fit souffrir de nombreuses familles sur lesquelles nous n'avons pas beaucoup d'informations mais ces deux années furent particulièrement éprouvantes pour la famille DEMARTINI de Poggiolo.
Avec l'exemple de ces quatre frères, nous avons l'illustration des malheurs de la guerre de 1870, du début de l'expansion coloniale (ici, en Indochine) et du désordre administratif de l'armée du Second Empire. Et, surtout, nous voyons que le sort de nombreux enfants des familles corses de cette époque était de quitter le village.
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Une très grande partie des informations ayant servi à cet article vient des registres militaires matricules et des registres de la garde mobile (fiches 9 NUM 78/39, 9 NUM 11/111, 9 NUM 3/681 et 9 NUM 74/897 – Archives Pumonti), avec l’autorisation de Madame Laure FRANCK, directrice des archives de la Collectivité de Corse. Une autre partie provient des registres d'état-civil de Poggiolo également consultables sur le site des archives.