Avant le passage du clocher de Poggiolo à l'électricité, le 16 juin 2010, il fallait faire sonner les cloches à la main, ce qui n'était pas une mince affaire.
A la fin du XIXe siècle, le 16 avril 1882, un sonneur avait été recruté par le conseil de fabrique pour "sonner l'angelus, tous les jours, et les messes, les bénédictions le dimanche et les jours de fête". Le poste échut à Baptiste BATTESTI, originaire d'Orto mais marié avec Mattea DEMARTINI (renseignements donnés par Xavier PAOLI et publiés dans "L'Info U Pighjolu" d'avril 2007).
Le temps passant, il n'y eut plus de sonneur professionnel et les occasions de faire tinter les cloches de Saint-Siméon furent de plus en plus rares.
Mais il existait toujours des sonneurs occasionnels qui se transmettaient le savoir-faire ou le savoir-sonner. Le 30 août 2008, l'Association Artistique et Culturelle de Sorru in Sù et le comité paroissial de Poggiolo organisèrent une journée de formation qui eut beaucoup de succès et dont nous reproduisons le compte-rendu publié dans le "Corse-Matin" du lendemain. On remarquera la conclusion dont la prédiction s'avéra fausse deux ans plus tard.
Tintez les cloches!
Le 27 juillet à Poggiolo, le festival de Sorru in Musica a été un beau festival lors de sa soirée lyrique en plein air avec des musiciens de renommée internationale.
Un mois après, ce samedi 30 août, le festival de sonneurs de cloches a été un beau récital avec des stagiaires «sonneurs» de 20 à 83 ans et, agréable surprise, avec une candidate féminine poggiolaise. Les jeunes avaient de la vigueur, les seniors de la fougue maîtrisée, un beau cocktail où les sons partis du campanile survolaient les montagnes des Deux Sorru au gré des vents en cette matinée ensoleillée. Le campanile construit en 1892 à l'italienne, c'est-à-dire isolé de l'église de quelques mètres, abrite trois cloches qui furent bénies en 1877.
Assourdissant mais sublime
Le campanile n'existait pas encore, les cloches étaient alors suspendues à un châtaignier, mais elles étaient là et on les faisait sonner... par un employé appointé au salaire exorbitant de 50 francs (il s'agissait de francs or) révèle Xavier, l'historien du village.
Sonner les cloches en étant appointé, certes, mais avec l'obligation d'annoncer journellement l'Angélus, les messes fort nombreuses à l'époque, les fêtes et autres manifestations. Un escalier de bois abrupt de soixante marches dans le campanile permettait d'accéder au plateau des trois cloches, auquel succéda en 1953 un escalier en béton plus confortable. C'est sur ce plateau que se sont retrouvés les stagiaires appliqués, à l'écoute des conseils de Jean-Martin et Xavier. Ces sons, ce bruit, aïe, ale ... , c'est assourdissant mais sublime.
Le bénévolat à l’honneur
Ainsi Philippe, l'employé communal, fit preuve d'une grande technicité et maîtrisa les cordes malgré une formation réduite. Quant à Jean-Silius, l'adjoint au maire, la Cicone - la plus grosse des cloches - ne lui fit pas peur et virevolta autour de sa poutre ancestrale. Mélange de sons graves, mélange des genres, sans métronome, faisant fi de la clé de sol ou de la clé de fa ou du battement de la baguette du chef d'orchestre qui n'existe pas. L'association artistique et culturelle de Sorru in Sù et le comité paroissial de Poggiolo, organisateurs du stage, ne peuvent se permettre de rémunérer, comme en 1882, un sonneur de cloche, d'où le bénévolat qui est à l'honneur avec l'engagement volontaire de chacun. Il existe, et ce fut cela la beauté de ce stage qui en appellera d'autres.
Les cloches de Poggiolo sonnées manuellement ont encore un bel avenir devant elles défiant le progrès des cloches actionnées électriquement.
J.-M. F.
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