Parmi les quelques ponts qui enjambent le Fiume Grosso, lequel est le plus ancien?
Les plus connus sont ceux du Genice et de Caldane à Guagno-les-Bains. Sur le plan-terrier établi à la fin du XVIIIème siècle par les autorités françaises, un pont est dessiné et nommé à Caldane mais il ne s'agit pas du pont actuel, construit entre 1851 et 1857 (voir l'article qui lui a été consacré). Par contre, aucun pont n'est visible au Genice.
Pourtant, Pierre MARTINI a trouvé, près de l'actuel pont du Genice, des vestiges des fondations d'un pont génois.
Nous publions l'étude qu'il vient de réaliser sur cet endroit où des vestiges anciens peuvent être devinés. Il les explique et accompagne sa description de réflexions personnelles.
L'ensemble forme une originale méditation ambulatoire.
--------------------
Voulez-vous bien me suivre tout au long de cette petite méditation ambulatoire, à la découverte de quelques empreintes des temps passés, méconnues parce que presque invisibles?
Regardez la carte, le Nord...faisons un tour d'horizon: au delà du Fiume Grossu (ex Guagno...ex Liamone!) la rive droite qui monte vers U Pighjolu au loin et Soccia et Ortu... Devant nous, en rive gauche de la rivière, voici le lieu dit U Genice dont nous allons maintenant surprendre quelques débris de vies jetés ci et là jadis par nos séculaires ancêtres.
Lisez la carte, voyez : vous seriez-vous douté qu'un pont "à dos d'âne" dit aussi pont génois, construit en des temps très anciens, en élément lithique, plus vraisemblablement qu'en bois, sautait la rivière à cet endroit? Vous verrez qu'aux points Pn et Ps, on en distingue encore les deux ancrages ou appuis de fondation.
Le point F indique, au débouché du pont, un four à pain, en très vieilles pierres moussues, dont la structure est bien conservée.
Le point C1 est un chemin antique, en partie dallé et empierré; il rejoint le point C2, chemin ancien, lui, mais cadastré, donc plus récent que C1 qui, non cadastré, a de toute évidence été oublié ou négligé par les topographes modernes, ainsi il est sorti de l'Histoire. C2 reliait aux temps jadis Vico à Guagno. Plus tard encore, une route moderne appelée chemin départemental n°... en rouge sur la carte, a relié ces deux villages; C2 a disparu sous des monceaux de terres rapportées au hasard, et puis la même route départementale fut lancée vers le nord à la recherche des trois villages de la rive droite; un pont moderne fut jeté sur la rivière et le vieux pont à dos d'âne est lui aussi sorti de l'Histoire, oublié, sans utilité, il a disparu, en ces temps lointains, sans doute difficiles où on n'avait pas le loisir de s'inquiéter des vieilles pierres et des monuments en péril. Ainsi, horresco referens, combien de témoins ici et là sont-ils à jamais péris?
Le point M est l'emplacement d'une maison, genre maison forte, du XVIII siècle, peut-être un peu moins, sans doute un peu plus... et puis, disparue la maison... plus une pierre... à la suite de quelque mésentente familiale. Dans l'inattention que nous portons à tout ce qui nous a précédé, nous sommes aussi blâmables que nos anciens, bien plus même, dans la mesure où nous avons conscience du mal que nous faisons aux choses inaniméesJe me souviens avoir vu, sous la maison, un captage d'eau, une source d'eau potable; détail important pour qui veut essayer de raconter le passé ou de l'imaginer.
Enfin, le plus mystérieux est ce point marqué T qui indique la présence d'un ou deux tumulus, de forme pyramidale, en galets de rivière, enfouis sous des broussailles.
Voilà ce que, sans prétention, je voulais vous faire découvrir ce petit espace de vie à présent tout à fait invisible; lieu de vie économique, écologique, si l'on veut bien entendre ces deux termes dans leur sens exact: c’est-à-dire pour l'un,"qui règle sagement les dépenses de sa maison", et pour le second, "qui adapte ses habitants au milieu naturel où ils vivent et travaillent." J'ajouterai que se trouve peut-être ici, également, une sorte d'espace cultuel... de traditions indigènes, symboliques, de rites perdus... mais vraisemblablement paléo-chrétien...Les hommes ont toujours mis leurs espoirs dans la déification d'une moindre chose, en un moindre lieu... un instinct?...
Que penser de tout cela? Qu’y avait-il ici? Qu'en dire? Il faudrait faire un concours d'imagination, établir des hypothèses, monter des modèles, comme le disent si habilement les savants après avoir fait une découverte; répondre à moult questions... inventer des sujets de réflexion... mais qui encore s'y hasarderait?
Qui étaient les hommes et les femmes, les enfants qui vivaient et mourraient ici? Ils s'auto-alimentaient bien sûr, mais aussi faisaient-ils commerce des produits de leur travail, agricoles, d'élevage, de la pêche, d'un petit artisanat du bois ou de la pierre... ils survivaient. Et toutes les voies de communication qui divergent en tout sens de cet endroit naturellement favorisé, heureux, étaient des vecteurs de commerce, bien sûr mais aussi des voies bellicistes, sans doute. Ces hommes ont abandonné ici, sans chercher à les conserver pour une improbable postérité, les quelques traces qui nous restent encore.
Peut-on imaginer que ces gens, de fortunes diverses se rassemblaient à l'occasion autour d'un culte? Lorsqu'on pressent qu'une l'histoire a existé en un endroit et qu'on n'en n'a aucun témoignage, ou si peu, il faut la créer, cette histoire... mais, attention!... ne pas divaguer pour autant... toujours rester dans le droit fil du raisonnable. Peut-on imaginer aussi qu'ils se réunissaient dans la maison fantôme... une auberge, quelques literies, quelques commerces. Il me revient alors incidemment cette vieille complainte "le train de Bastia" ... "quantu passera u train tira encu a mitralliosa…». Cela est mal transcrit sans doute, mais comprenne qui pourra!... Rencontres politiques, encore, dans la maison, ou claniques; de patriotes... pour ceci, cela, contre ceux-ci; il se monte des cabales, des partis, des expéditions... des révolutionnaires s'énervent, à voir!
Cette maison, peut-être encore le fief d'un seigneur (ne sommes-nous pas au centre de cette ancien pays que l'on nommait jadis la Terre des Seigneurs?); ou d'un malandrin local, autoproclamé, contrôlant tout l'espace à son profit: pont, chemins, octroi, cultures, moulins, pâturages, points d'eau, points de feu, lieux de vie... contrôlant sans doute ainsi les quelques concentrations humaines à peine naissantes qui s'appèleront bien plus tard Poggiolo, Orto, Soccia... et d'autres, mortes-nées parce que non viables... Maison qui fut tout simplement ce lieu de réunion de malfaiteurs dont nous parlent à l'envi certaines légendes peut-être controuvées, bandits qui saignaient les parages, profitant de leurs extraordinaires valeurs économiques, eaux, cultures et élevages, bois, sentes et le pont, passage obligé des mouvements entre diverses communautés, et cet incessant voyage des peuples qui nous a par la suite mené jusqu'au bout du monde... instinct de survie! Voilà, à chacun à présent de comprendre à sa façon ce qu'était le petit morceau de terre qui vient de sortir de l'oubli; à chacun de croire ce qu'il désire, comme le disait exactement le vieux Jules (César) qui connaissait si bien les hommes. Dans cette interrogation, j'ai moi-même mon idée, je la garde. Peut-être pourrons-nous confronter un jour toutes nos pensées si variées et sans doute si riches.
Et alors, j'ai repris mon chemin, à l'aventure; passant le pont de pierre, si étroit,100 mètres à peine en aval de ce qui reste de notre vieux pont "à dos d'âne", j'ai pensé à ce bel apophtegme de Gogol: "l'architecture est une chronique de l'univers, elle parle encore quand les chansons et les traditions se sont tues". Ah! cette âme russe... incomparable mélancolie... Le long de la route, de part et d'autre, plus aucune architecture qui puisse encore parler...et que pourrait-elle raconter? Plus de chansons non plus et nulles traditions nulle part. Je ne vois qu'une terre abandonnée, sale, saupoudrée de carcasses d'automobiles et de déchets dont se débarrassent des hommes sans conscience en clamant tout haut qu'ils aiment leur terre... pauvres d'eux... vanitas!
L’étranger qui passe par ici, à pied ou en voiture, l'indigène qui sans cesse sillonne les routes (en voiture, lui évidemment) peuvent-ils penser qu'en même temps qu'avec notre extrême modernité, nous avons atteint le point la plus bas de notre terrestre aventure, dans une vertigineuse précipitation?
Les ponts de Guagno-les-Bains - Le blog des Poggiolais
L'image de Guagno-les-Bains, appelé Bains de Vico, parue en 1851 dans le "Le Magasin pittoresque" (voir l'article " Bains de Vico ou Guagno-les-Bains ? " ), donne de nombreux détails sur ce qu'é...
http://poggiolo.over-blog.fr/2015/06/les-ponts-de-guagno-les-bains.html