Après le tourbillon du mois d’août où toutes les maisons sont remplies, Poggiolo retourne en septembre à une grande tranquillité, peut-être une trop grande tranquillité, que nous décrit ici Pierre MARTINI.
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"...la gaffe est de revenir dans un lieu où les gens dansent comme ci... comme ça... plus du tout la même chose que vous... vous ne savez plus! On vous regarde drôle... je réfléchis... fil en aiguille le temps a pris bien des personnes... celui-ci... celui-là..." (Louis-Ferdinand CÉLINE, «Nord»).
Ce jour-là, le samedi 3 septembre 2016, très précisément de 10h30 à 11h30, à Poggiolu, personne pour danser quoi que ce soit, pas même un peu de musique évidemment... personne... absolument aucun être vivant au long des sentes et des ruelles, autour des maisons, dans les recoins de murs.
Je n'ai vu personne. Ah si! Quand même... la factrice, au volant de son automobile réglementaire, louvoyant habilement dans le tournis des granites, effectuant ainsi sa tournée obligatoire, une personne par ailleurs très aimable, bien étonnée cependant de voir quelqu'un, ici même, genre touriste, à la recherche dont ne sait quoi.
Elle me renseigne. Je tenais à rencontrer quelqu’un; elle m'indique alors l'emplacement de sa maison; je cherche aussi la maison d'une de mes relations, le docteur ATLAN.
«Vanina?», me demande alors la préposée...
« Oui », répondis-je.
Mais à mon grand regret, je ne rencontre personne.
Je vagabonde alors... La maison des MARTINI, celle de mon grand-père, dite "u lucciu", est presque abandonnée... Les persiennes sont closes sur les façades aveugles de la maison de ma grand-mère, les FRANCESCHETTI, attenante à la petite chapelle Saint-Roch; deux maisons où j'ai passé quelques moments inoubliables de mon enfance, entre les deux écoles que je fréquentais alors, l'une en contrebas de Saint-Roch, l'autre un peu au-dessus de la route qui mène à l'église paroissiale.
Je pense alors qu'il vaut mieux finalement que je ne rencontre personne.
Chacun d'entre nous a ses fantômes. Ça suffit souvent. C'est fragile un fantôme, ça ne dit rien et c'est préférable, ça vous regarde seulement passer, vous en aller, au loin.
Poggiolu ce jour de fin d'été, comme abandonné, livré à rien, c’est-à-dire sans doute libéré de toutes ces sujétions humaines, souvent futiles et pas très belles, toujours hostiles, parfois cruelles, m'a semblé d'une beauté trés douce, reposée, comme au-delà du temps. Il m'a rappelé ces villages, presque ruines, où souffle sans cesse un vent triste, que j'ai connu, en des endroits lointains, oubliés des hommes, aux bords de sous-continents qui n'intéressent personne. Mais Poggiolu, où l'on n'entend même pas le vent, au moment où à présent tout s'endort, les lumières de l'été passé, intéresse-t-il encore quelqu'un? Peut-être est-ce à souhaiter, comme un soulagement...
Je reviendrai le 1er novembre quand, selon la coutume des anciens, il faudra "monter" sur les tombes. Peut-être aurai-je plus de chance avec les morts, leur souvenir... peut-être...
Point de nostalgie dans tout cela, ce serait trop puéril; point d'illusions perdues non plus; un soupçon de mélancolie sans doute...
Pierre MARTINI