Le groupe musical qui connaît un succès grandissant en Corse est Sirocko. Sa réputation déborde sur le continent. Après avoir joué à Aix-en-Provence, il va animer trois grandes soirées à Marseille. Les 29, 30 et 31 octobre, il se produira au Palais de la Major, établissement de qualité qui allie restaurant et boîte de nuit dans le quartier de la Joliette.
Pour mieux connaître ce trio de musiciens et chanteurs, nous reproduisons l’entretien publié à la fois dans «Inseme» du mois d’octobre et dans «Corse-Matin».
Par quel miracle trois quasi-quadragénaires encravatés, jouant des musiques corses traditionnelles ou du Brassens, ont-ils réussi tout l'été à embraser les pistes de danse, suivis par un fan-club de fidèles déchainés? Grâce au talent bien évidemment, couplé de professionnalisme et d'un petit brin de folie. Ce trio s'appelle Sirocko, derrière lequel se cachent le Socciais Pascal Buteau, et les frères François et André Paoli, dont le père n'est autre que Xavier Paoli, directeur de l'école de musique d'Ajaccio.
Rencontre avec Pascal Buteau de repos quelques jours dans son village avant d'entamer une saison d'hiver qui s'annonce très active. Avant la formation actuelle, Sirocko existait et se produisait déjà dans le canton depuis quelques années.
Pascal Buteau : En 2002 avec mon frère Jean-Claude et cinq copains de Sagone nous avions formé un premier groupe pour s'amuser, et on faisait quelques dates l'été dans les restaurants. Certains n'étaient même pas musiciens mais se mettaient à la guitare basse car il fallait un bassiste. Notre répertoire était très rock et nous avons progressé en même temps. Il y avait notamment Francis Rezoali qui a joué trois ans avec nous et a fait ensuite une tournée avec I Muvrini.
Et puis j'ai fait cette rencontre avec François et André Paoli qui a été décisive. Nous animions des soirées ensemble et j'ai pris énormément de plaisir à jouer avec eux. Ce sont de vrais professionnels. Il faut dire qu'André a créé le jazz band de Corse que beaucoup de gens allaient écouter le lundi au kiosque de la place du Diamant, et qu'il est également le batteur du Big Band de Monaco avec lequel il fait des tournées internationales. Quant à François, qui est prof au conservatoire d'Ajaccio, il a quand même initié Paul Mancini au saxo.
Je vendais des piscines depuis 13 ans et j'ai vendu ma société pour faire de la musique mon activité principale.
PC :Quand on est trois sur scène à interpréter des reprises, comment se font les choix de programmation, d'arrangements ... et de look?
PB : Le look est le fruit du hasard. Un jour le Hussard nous appelle à 15h car un groupe s'était désisté pour animer le soir même la soirée du conseil d'administration d'une banque. On s'est dit qu'il fallait arriver «un peu classe», c'est-à-dire avec des chemises blanches et des cravates noires. En fin de soirée, le patron nous a complimentés car c'était la première fois qu'il voyait des musiciens habillés avec une tenue de scène identique. Mais ceux qui savaient que j'avais travaillé un temps dans les pompes funèbres nous ont baptisés «les Pichett's boys» pour nous «magagner». Il a suffi de mettre une cravate rose à la place de la noire, de la dénouer un peu, et la tenue est restée.
Quant aux choix musicaux, j'ai compris après avoir joué du rock pendant longtemps pour me faire plaisir, qu'il ne fallait pas jouer ce dont tu avais envie, mais ce qui amusait les gens. Avec François aux claviers, André à la batterie, et moi-même à la guitare et au chant, toutes les chansons qu'on reprend ont des arrangements très dansants et festifs. D'ailleurs, je n'oublierai jamais la tête de mon oncle Ceccè (Buteau du groupe Canta U Populu Corsu) la première fois qu'il nous entendu interpréter «Compagnero» en version rock. Il avait un peu fait la grimace mais, aujourd'hui, il ne la trouve pas si mal ainsi. Mais notre chanson-référence reste "l'Orage" de Brassens, que tous les jeunes du canton auto-baptisés «la team de rêve» réclament à chaque concert pour danser dessus.
Nous avons environ 180 chansons au répertoire, et sommes conditionnés pour faire un show de 3 heures sans jamais de blanc. François et moi avons juste deux Ipad synchronisés qui donnent les paroles, la partition, et indiquent la tonalité. On répète chaque soir 3 ou 4 chansons pendant les réglages, mais François et André sont tellement bons que, si j'ajoute une nouvelle chanson pendant le concert, ils s'adaptent et enchainent à la perfection.
PC : Quels sont vos projets ? Etre plus connus, faire un disque, une tournée plus loin que dans la région ajaccienne ?
PB : Pour être connus, il faut s'exporter. J'ai demandé à une amie de Porto-Vecchio, Cécile Colonna Cesari, de me trouver des dates là-bas, mais c'est un milieu très fermé, sauf si quelqu'un te présente pour t'introduire. Elle nous a fait faire 12 dates à Porto-Vecchio, et les patrons d'établissements l'ont remerciée d'avoir insisté pour nous faire jouer. Elle gère notre planning entièrement, et nous a fait jouer aussi à Calvi et Ile-Rousse. Aujourd'hui elle aussi a tout quitté pour devenir notre agent, et s'occupe également de Jean-Charles Papi.
Pour l'heure, nous venons de signer un contrat avec le cabaret «Le son des guitares» à Marseille dont le patron travaille souvent avec des groupes corses. Nous nous y produirons deux semaines par mois, du mercredi au samedi, jusqu'à fin décembre.
Recueilli par Pascale Chauveau