Perdre le droit de vote ou ne pouvoir l’accomplir aux élections municipales a toujours été jugé en Corse comme la pire des punitions, quasiment comme une souillure. Se sentir, à tort ou à raison, victime d’une injustice entretient les ressentiments, même quand on est en principe très loin des préoccupations de son village.
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Un exemple en est montré dans l’ouvrage « Identités troublées. 1914-1918. Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre », sous la direction de François BOULOC, Rémy CAZALS et André LOEZ (Privat, 2011).
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Dans ce recueil, l’historien Jean-Paul PELLEGRINETTI s’est servi d’un cas poggiolais pour montrer que les rancœurs électorales persistaient profondément pendant la guerre de 1914-1918, même dans les tranchées (contribution intitulée « Identité et Grande Guerre. Les combattants corses durant la Première Guerre mondiale. »)
Les correspondances deviennent de véritables «cordons ombilicaux» par l’intermédiaire desquels doivent se régler une grande partie des affaires villageoises, souvent des plus violentes, comme l’indique Jean-Toussaint Demartini, sergent à la 24ème coloniale, à ses parents :
« Je ne saurai assez vous le répéter, montrez vous très satisfait de leur façon d’agir, et puis plus tard lorsque nous aurons l’occasion de pouvoir nous venger, nous le ferons, mais pour bien réussir, il faut faire semblant d’être très bien avec eux et pour mon compte personnel, je vous promets que je suis décidé à me venger. La sagesse humaine se résume en ces 2 mots patience et espérance, attendons. » Lettre du 1er octobre 1915.
Jean-Toussaint Demartini, est, avant guerre, timonier dans la marine. Lors d’élections municipales partielles dans son village de Poggiolo, il participe au vote malgré une trop courte permission qui ne l’autorise pas à prendre part au scrutin (1). Dénoncé par ses adversaires politiques, il est jugé et doit quitter l’armée. Lors de la déclaration de guerre en 1914, il s’engage pour 4 ans dans la coloniale.
Archives privées. Famille Prince De Martini.
(1) Les soldats n’ont obtenu le droit de vote qu’à partir du 17 août 1945.
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Triste affaire.
Mais tout cela appartient à une époque révolue depuis longtemps…
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